Mer morte: un accord Israéliens-Jordaniens-Palestiniens plein d'incertitudes
La mer Morte est souvent évoquée dans la Bible sous de nombreux noms : «mer de la plaine», «mer salée»... Et c’est sur ses bords que furent retrouvés les fameux manuscrits qui ont contribué à renouveler la connaissance du Livre saint, celle du judaïsme ancien et des premiers temps du christianisme.
Alimentée par le Jourdain, cette étendue d’eau, dont la vallée est «le prolongement de la Rift Valley, fracture tectonique courant à travers l’Afrique de l’Est et la mer Rouge», est connue pour son extrême salinité. Alors que l’eau de la Méditerranée compte 9 g de sel par litre, la teneur de la mer Morte est de 345 g par litre ! Aucun organisme vivant ne parvient à évoluer dans un tel milieu.
Aujourd’hui, la mer Morte risque de disparaître. D’ici 2050, estiment certains experts. Depuis les années 60, sa surface a baissé d’un tiers et son niveau a baissé d’une trentaine de mètres ! Motif : sous l’effet de la chaleur intense, son eau s’évapore. Et surtout, elle n’est presque plus alimentée : l’Etat hébreu, la Jordanie, la Syrie et le Liban détournent sans se concerter les eaux (très polluées) du Jourdain, notamment pour les besoins de leurs activités économiques. De plus, le lac salé est aujourd’hui coupé en deux par une bande de terre.
Depuis 11 ans, Jordaniens, Palestiniens et Israéliens négociaient pour tenter de trouver une solution. Aux termes de l’accord signé le 9 décembre, un système de pompage va être mis en place dans le golfe d’Aqaba, à la pointe de la mer Rouge, à la frontière entre la Jordanie et Israël. Objectif : pomper quelque 200 millions de m3 d’eau par an. Une partie sera ensuite acheminée vers la mer Morte par l’intermédiaire de quatre conduits, longs de 180 km. Différence d’altitude : environ 420 m, le lac salé se trouvant au niveau le plus bas de la Terre. L’autre partie sera dessalée avant d’être distribuée sur les territoires des trois signataires.
Pour l’Etat hébreu, la survie de la mer Morte, constitue une priorité économique, notamment pour le tourisme. Pour les Palestiniens et les Jordaniens, l’affaire vise d’abord à répondre à «une pénurie chronique d’eau». En la matière, la Jordanie est ainsi le quatrième pays le plus pauvre de la planète, selon Le Monde. De son côté, en avril 2013, l’Autorité palestinienne dénonçait la «guerre de l’eau» menée, selon elle, par l’Etat hébreu. «La distribution de l’eau dans la région est un dossier délicat, dans la mesure où la plupart des réserves aquifères souterraines se trouvent en Cisjordanie sous contrôle israélien. Les Palestiniens disent qu’ils sont gravement privés de ressources, contrairement aux colonies de peuplement israéliennes», rapporte The Guardian.
L’opération prévue «offre une lueur d'espoir sur la possibilité de surmonter d'autres obstacles à l'avenir», a estimé le ministre israélien de l'Eau et du Développement, Silvan Shalom, en paraphant l'accord au siège de la Banque mondiale, partenaire du projet. Il a même parlé d’«accord historique». «Nous avons montré que l'on pouvait travailler ensemble en dépit de nos problèmes politiques», a ajouté son homologue palestinien Shaddad Attili, présent à la même tribune, à l'heure où Palestiniens et Israéliens tentent de raviver le processus de paix sous l'égide des Etats-Unis.
Nombreuses incertitudes
Reste que les difficultés ne manquent pas. On trouve ainsi des incertitudes environnementales. Selon l’organisation écologiste israélienne Foeme, on pourrait bien jouer aux apprentis sorciers en mélangeant les eaux de la mer Rouge et celles de la mer Morte. Le risque étant notamment de changer de manière irréversible la composition minérale de cette dernière.
Les incertitudes sont également financières. Selon les sources, les chiffres avancés varient plus que du simple au double... Ainsi, pour Le Figaro, le coût du projet est estimé «entre 250 et 400 millions de dollars». Dans ce contexte, les trois parties prenantes «vont devoir solliciter des pays donateurs, la générosité de philanthropes, ainsi que le soutien de la Banque mondiale», précise le journal français…
De son côté, l'institution financière pense que la fourchette de chiffres avancée par Le Figaro est trop basse. «Le coût estimé (…) que nous ont fourni les Jordaniens, et qui n’a pas été vérifié par la Banque Mondiale, est de 900 millions de dollars», explique-t-elle. Elle précise que le projet sera «financé par le secteur privé». Et elle insiste auprès de Géopolis sur le fait qu'elle n'est «pas partie prenante» dans le dossier.
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