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Peine de mort en Arabie Saoudite: "Il y a une forme de schizophrénie entre l'image de réformisme très audacieux qui est vendue et la réalité sur le terrain"

Depuis l'arrivée au pouvoir du prince Mohammed ben Salmane, on voit un durcissement de la répression avec des vagues d'arrestations jamais vues et un record d'exécutions, explique sur franceinfo Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch.

Article rédigé par franceinfo
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Le prince Mohammed ben Salmane. (BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE)

En Arabie Saoudite, le parquet a requis la peine de mort contre cinq militants des droits de l'Homme, dont une femme, a annoncé mercredi l'ONG Human Rights Watch. Invitée sur France Info jeudi 23 août, Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch, dénonce la "schizophrénie entre cette image de réformisme très audacieux qui est vendue" et "la réalité sur le terrain de personnes, qui elles aussi appellent à des réformes, mais qui sont réprimées pour ça".

franceinfo : Parmi les militants, il y a Israa al-Ghomghan, une des figures de proue de l'opposition, une militante musulmane qui fait partie de la minorité chiite...

Bénédicte Jeannerod : En fait il y a eu des manifestations en 2011 dans le sillon du Printemps arabe dans les provinces orientales du royaume, et qui appellent, de la part de la minorité chiite, à la fin des discriminations systématiques dont cette minorité est victime. Ce sont des manifestations qui ont été réprimées de manière très forte, et des militants arrêtés il y a deux ans sont depuis détenus en détention provisoire sans défense. Et pour lesquels le procureur public, qui dépend directement du roi, a demandé la peine de mort. Donc il y a aura une audience qui se tiendra en octobre et on verra comment les juges suivent cette recommandation.

Pourtant on avait l'impression qu'il y avait des avancées, le fait que les femmes puissent passer leur permis de conduire ou assister à des matchs de foot par exemple. Ce ne sont que des mesures symboliques finalement ?

Oui c'est un vernis. Dès qu'on gratte un petit peu ce vernis, qui est entretenu avec force de communications, on voit bien que cette illusion de réforme ne s'applique pas à des personnes militantes, pacifiques, qui elles-mêmes demandent des réformes et demandent la fin d'un certain nombre de discriminations, notamment des discriminations à l'égard des femmes. Donc ces personnes qui appellent à plus de réformes font face à une répression extrêmement sévère. On a pu voir début août une arrestation massive de militantes des droits des femmes, et l'appel à la peine de mort du procureur avant-hier en est une nouvelle preuve.

Est-ce que vous diriez que la répression se durcit en Arabie Saoudite ?

Oui, depuis l'arrivée au pouvoir du prince Mohammed ben Salmane on voit un durcissement de la répression avec des vagues d'arrestations qu'on n'avait pas vues jusqu'à maintenant. L'Arabie saoudite continue de détenir un des records en termes d'exécutions de peine capitale. Donc il y a une forme de schizophrénie entre cette image de réformisme très audacieux qui est vendue en quelque sorte par des agences de communication pour ben Salmane, et la réalité sur le terrain de personnes, qui elles aussi appellent à des réformes, mais qui sont réprimées pour cela.

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