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Pourquoi l'esclavage moderne n'a jamais été aussi "lucratif" qu'aujourd'hui

Même s'il est désormais interdit partout dans le monde, l'esclavage n'a jamais autant rapporté à ceux qui le perpétuent. C'est ce que révèle l'étude d'un économiste britannique, dont des extraits ont été publiés lundi par le "Guardian".

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Un monument à la mémoire des "femmes de confort" japonaises, le 19 juillet 2017 aux Etats-Unis. (YONHAP NEWS/NEWSCOM/SIPA / SIPA)

"L'esclavage est plus lucratif aujourd'hui que ce que j'aurais imaginé." Ce constat dressé par Siddharth Kara fait froid dans le dos. Spécialiste des questions de travaux forcés, cet économiste de la Harvard Business School s'apprête à publier, en octobre, un ouvrage sur l'esclavage moderne, intitulé Modern Slavery. Lundi 31 juillet, le quotidien britannique le Guardian a publié en exclusivité les conclusions de cet ouvrage (lien en anglais). Principal enseignement : le travail forcé n'a jamais rapporté autant d'argent qu'aujourd'hui pour ceux qui continuent de l'entretenir. Franceinfo revient sur les raisons de ce phénomène.

Parce que, malgré son interdiction, l'esclavage est encore très répandu

Pas moins de 21 millions de personnes sont aujourd'hui victimes d'esclavage dans le monde, selon l'Organisation internationale du travail (OIT). Soit beaucoup plus, donc, que le nombre de personnes réduites en esclavage entre le XVe et le XIXe siècle, si l'on en croit les estimations des chercheurs à ce sujet. La majorité des victimes d'esclavage moderne sont exploitées à domicile, ainsi que dans les secteurs minier, agricole et du bâtiment. 

Dans son rapport de décembre 2016 (lien en anglais), l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime expliquait que l'esclavage moderne est perpétué dans tous les pays, mais seules 9 071 condamnations ont été prononcées l'année dernière pour "trafic d'êtres humains et exploitation de travailleurs forcés". Entre 2012 et 2014, les esclaves modernes ont transité par près de 500 routes majeures, toujours selon ce rapport. La multiplication des conflits et des crises humanitaires et climatiques a par ailleurs multiplié les "opportunités" pour les trafiquants d'êtres humains.

"Le déficit en termes de réponse globale contre l'esclavage a permis à cette pratique de se perpétuer", regrette ainsi Siddharth Kara, qui rappelle que "cette réalité ne changera pas tant que l'esclavage ne sera pas perçu comme une forme onéreuse et risquée de travail forcé".

Parce que les exploiteurs n'hésitent pas à tirer un maximum de profit de leur crime

Selon l'étude de Siddharth Kara, en 2016, l'esclavage moderne a généré un profit moyen de 3 978 dollars (environ 3 400 euros) par an et par victime pour l'exploiteur. "Les profits varient de quelques centaines de dollars par an à plusieurs centaines de milliers de dollars, pour un total annuel estimé à environ 150 milliards de dollars" (environ 127 milliards d'euros), détaille le chercheur, dont les bases de calcul sont, d'une part, le salaire qu’une personne gagnerait légalement dans des circonstances similaires et, d'autre part, les charges "économisées" par le criminel qui l'exploite. 

Parce que l'esclavage sexuel est particulièrement "rentable"

Les victimes d'esclavage sexuel ne représentent que 5% de la totalité des esclaves modernes. Pourtant, leur exploitation rapporte 36 000 dollars par an et par victime (environ 30 500 euros) en moyenne, et représente ainsi plus de 50% des profits mondiaux générés par l'esclavage moderne, explique Siddharth Kara. 

Pour en venir à ces conclusions, l'économiste a analysé des données de l'Organisation internationale du travail (OIT), ainsi que des rapports d’ONG concernant l'esclavage dans 51 pays, sur une période de quinze ans. Il a également interviewé plus de 5 000 victimes d'esclavage. 

Parce que l'esclavage est devenu "bon marché" pour les exploiteurs

Auparavant, la pratique de l'esclavage impliquait souvent le transport des esclaves sur de longues distances. Comme l'explique le Guardian, les forts taux de mortalité des victimes d'esclavage, et le coût de leur transport, limitait de fait les profits générés pour les trafiquants d'êtres humains.

A l'heure de la mondialisation, les moyens de transport sont devenus plus accessibles, moins risqués et plus rapides que jamais, ce qui a non seulement facilité les trafics d'êtres humains, mais aussi diminué le coût de ces pratiques pour les exploitants. A présent, "les esclaves peuvent être acquis, exploités et abandonnés assez rapidement", déplore Siddharth Kara. Le profit généré par leur exploitation a donc augmenté considérablement, et "la vie humaine n'a jamais été aussi facilement remplaçable", explique Siddharth Kara.

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