Reportage "Les inconnus, on les numérote" : au Liban, la difficile gestion des morts de la guerre

Cadavres non identifiables, cimetières détruits ou inaccessibles, les autorités libanaises font également face au défi d'enterrer les victimes des bombardements israéliens. Certains finissent dans des fosses communes ou des carrés de terre près des hôpitaux dédiés aux inconnus.
Article rédigé par franceinfo - Arthur Sarradin
Radio France
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Temps de lecture : 2min
Les autorités apportent les corps des personnes qui ont perdu la vie lors d'une frappe israélienne au Liban, le 7 novembre 2024. (HOUSSAM SHBARO / ANADOLU via AFP)

Au Liban, le bilan des bombardements israéliens dépasse désormais les 3 500 morts, deux fois plus que lors de la guerre de 2006. Certaines victimes font partie du million et demi de déplacés, qui ont fui les zones bombardées. Une question se pose alors : où les enterrer ? Les incursions israéliennes se poursuivent au sud du pays, où des villages sont parfois entièrement rasés. La gestion des corps devient un enjeu pour les autorités.

Près de Saïda, dans une petite remise près d’un terrain vague, des femmes pleurent devant le corps de Hussein, un civil du sud Liban. Il a été tué dans sa maison, mais ne pourra pas être enterré dans son village. Organiser des funérailles serait trop dangereux alors elles auront lieu dans une fosse commune. "Il y a environ cinquante personnes qui reposent ici", témoigne le cheikh Youssef Khalil. Il vient de terminer la prière et montre un cimetière de fortune : des parpaings plantés dans un sol rocailleux, avec des feuilles scotchées par-dessus qui mentionnent le nom et le village d’origine des défunts.

"On sait qu’il y a des cimetières qui ont été entièrement détruits au sud Liban. C’est dangereux maintenant, mais si Dieu le veut, les familles les rapporteront là-bas plus tard".

Cheikh Youssef Khalil

à franceinfo

La difficile identification des corps

Plus on s’enfonce dans le sud Liban, plus les maisons sont détruites dans les villages qui longent la côte libanaise. L'hôpital de Sarafand est en première ligne et accueille tous les jours des blessés de la guerre. Le directeur, Mohammad Alaedine, nous guide dans un petit préfabriqué à l'extérieur où se trouve la morgue de l'hôpital. À l’intérieur, dans une pièce étroite, les victimes des derniers bombardements israéliens.

"On s’est équipés en frigos depuis la dernière guerre, en 2006. Mais le problème, c’est que les corps qui nous arrivent en ce moment ne sont pas entiers, ce ne sont que des morceaux."

Mohammad Alaedine

à franceinfo

Pour les identifier : "Les inconnus, on les numérote", explique Mohammed Alaedine. "On informe le ministère de la Santé pour qu’ils fassent ensuite des tests ADN pour trouver leurs familles." Mais entre les proches qui ne peuvent pas venir identifier un proche et ceux qui ne sont pas identifiés, la liste s'allonge. Presque tous les hôpitaux du sud Liban ont désormais un carré de terre pour les inconnus.

Au sud Liban, la difficile gestion des morts de la guerre. Reportage d'Arthur Sarradin

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