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Irak : comment la crise politique a conduit aux affrontements qui ont fait 23 morts à Bagdad

Alors que l'Irak est dans l'impasse politique depuis octobre 2021, des affrontements entre partisans de forces rivales ont fait au moins 23 morts dans les rangs des partisans du leader chiite Moqtada al-Sadr, lundi.

Article rédigé par franceinfo
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Des soutiens du leader chiite Moqtada al-Sadr devant le palais de la République à Bagdad (Irak), le 29 août 2022. (AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

Le chaos a touché la Zone verte de Bagdad. Après le retrait "définitif" de la vie politique du leader chiite Moqtada al-Sadr, des violences ont éclaté, lundi, dans ce quartier ultra-sécurisé de la capitale irakienne. Vingt-trois partisans du chef politique et religieux ont été tués par balles, selon un bilan communiqué mardi 30 août. Après un appel de leur leader, les partisans de Moqtada al-Sadr ont commencé à quitter la Zone verte, mardi à la mi-journée et l'armée a annoncé la levée du couvre-feu national instauré la veille.

Ces combats sont la conséquence d'une crise politique enclenchée depuis les élections législatives de l'automne 2021. Franceinfo fait le point sur une situation critique pour le pays, qui peine à retrouver la stabilité.

Des mois de blocage politique

Pour comprendre le basculement de Bagdad dans la violence, lundi, il faut remonter près de onze mois en arrière. Les Irakiens sont appelés aux urnes lors d'élections législatives anticipées, le 10 octobre 2021. Avec 73 sièges, le parti de l'imam chiite Moqtada al-Sadr, le Courant sadriste, est la première formation politique au sein du Conseil des représentants, qui compte cependant 329 élus. Les négociations pour former un gouvernement échouent à plusieurs reprises, en février et en mars 2022.

L'élection par les parlementaires d'un nouveau président de la République achoppe aussi. Le "Cadre de coordination", ne alliance d'autres partis chiites pro-Iran, opposés à Moqtada al-Sadr, bloque les sessions parlementaires. De l'autre côté, le Courant sadriste refuse de partager le pouvoir. La crise s'installe.

La démission des députés et l'intrusion au Parlement accroissent les tensions

La situation empire le 12 juin dernier : huit mois après les législatives qu'il avait remportées, Moqtada al-Sadr fait démissionner les 73 députés qu'il avait envoyés à l'Assemblée. Le leader chiite, aussi imprévisible qu'influent auprès de ses dizaines de milliers de partisans, laisse ainsi à ses opposants la lourde tâche de constituer un gouvernement.

Tout s'envenime mercredi 27 juillet lorsque les partisans sadristes investissent le Parlement irakien, dans la Zone verte, un périmètre ultra-sécurisé au cœur de Bagdad. Ils protestent contre la proposition de l'alliance des partis chiites, qui veulent nommer Mohamed Chia al-Soudani au poste de Premier ministre. Et prolongent leur mobilisation par un sit-in au Parlement, qui débute samedi 30 juillet.

Un "dialogue national" supplanté par l'ultimatum de Moqtada al-Sadr

Les opposants à Moqtada al-Sadr manifestent à plusieurs reprises et campent, vendredi 12 août, sur une avenue de Bagdad. L'appel à un "dialogue national", formulé mardi 16 août par le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, qui gère les affaires courantes, ne convainc pas les différentes forces politiques. Ces dernières poursuivent leurs invectives.

Tout s'accélère fin août, quand Moqtada al-Sadr appelle "tous les partis" en place à renoncer aux postes gouvernementaux qu'ils détiennent jusqu'ici. L'imam chiite lance même aux formations rivales un ultimatum de 72 heures, samedi 27 août. Il réclame toujours la dissolution du Parlement et de nouvelles législatives anticipées.

Une journée de combats meurtriers au cœur de Bagdad

Deux jours plus tard, lundi, Moqtada al-Sadr annonce son "retrait définitif" de la vie politique irakienne. Dans la foulée, des centaines de ses partisans pénètrent dans le palais de la République à Bagdad, qui accueille le Conseil des ministres au sein de la Zone verte. Par crainte de débordements, l'armée irakienne décrète immédiatement un "couvre-feu complet" dans tout le pays, "dès 18 heures".

En réponse à cette intrusion, les partisans du "Cadre de coordination" tirent à balles réelles sur les manifestants, dans l'après-midi. Au total, selon le dernier bilan de sources médicales citées par l'AFP, 23 manifestants sadristes ont été tués et plus de 200 personnes ont été blessées dans ces combats, qui ont repris mardi. Ce même jour, Moqtada al-Sadr a donné "une heure" à ses partisans pour se retirer de Bagdad, sous peine de désaveu. Mardi à la mi-journée, ceux-ci ont commencé à se retirer de la Zone verte.

Des affrontements dans d'autres villes

Après Bagdad, les heurts ont gagné d'autres régions irakiennes, comme la province de Zi Qar, dans le sud du pays, où des partisans sadristes ont envahi le siège du gouvernorat (le gouvernement local) et pénétré dans d'autres bâtiments officiels à Nassiriyah. Le siège du gouvernorat de Babylone, dans le centre du pays, a également été occupé par des partisans du nationaliste Moqtada al-Sadr.

Plusieurs puissances étrangères ont lancé un appel au calme après ces affrontements meurtriers à Bagdad. La Maison Blanche a estimé que la situation était "inquiétante" tandis que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé à la "retenue". Le ministère français des Affaires étrangères français a également appelé lundi soir "les parties à la responsabilité et à cesser immédiatement les affrontements meurtriers".

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