Attentats à Jérusalem : "C'est l'effet d'imitation qui explique" la recrudescence de la violence, selon Denis Charbit, professeur de sciences politiques
"C'est l'effet d'imitation, la variable qui explique" la recrudescence de la violence "et pas du tout la politique", a affirmé samedi, sur franceinfo, Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’université ouverte d’Israël, après les deux attaques successives commises par des Palestiniens qui ont fait sept morts et plusieurs blessés à Jérusalem-Est.
Selon Denis Charbit, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, qui arrive lundi à Jérusalem, devra "jouer les messieurs bons offices et faire quelques concessions à l'Autorité palestinienne".
franceinfo : Comment expliquez-vous ce regain de violence ? Est-ce que c'est le résultat de la politique du nouveau gouvernement israélien très radicale ?
Denis Charbit : Non. Il y a déjà depuis près de dix mois, mars 2022, une recrudescence de la violence, en particulier en Cisjordanie. Et quand bien même l'armée s'est montrée beaucoup plus vigoureuse, cela ne semble pas avoir eu l'effet dissuasif sur lequel l'armée israélienne comptait. Je pense que l'attentat de vendredi est une sorte de vengeance sur l'opération israélienne menée il y a deux jours à Jénine et qui avait fait neuf morts, chiffre record. En général, l'armée israélienne abat, neutralise le terroriste. Parfois, c'est un civil. Mais jamais on avait eu ce chiffre-là. La grande crainte des autorités militaires, c'est qu'il y ait des effets d'imitation, des effets de mimétisme. Puisqu'il a réussi, ça veut dire que c'est possible. Toutes ces velléités, qui existent potentiellement, peuvent se traduire de nouveau. On l'a vu encore ce samedi matin avec un jeune de treize ans. C'est l'effet d'imitation, la variable qui explique (la recrudescence), et pas du tout la politique. Pour les Palestiniens dans les Territoires occupés, il n'y a pas de différence entre un gouvernement de droite et d'extrême droite ou un gouvernement qui allait de la droite au centre-gauche avec un parti arabe. Ces distinctions-là, nous les faisons en Israël. Pas vraiment du côté des Palestiniens.
Si embrasement il y a, que peut faire la communauté internationale ? Qui peut jouer le rôle de médiateur ? Les Etats-Unis ?
Regardez le hasard du calendrier. Il se trouve qu'Anthony Blinken arrive lundi. Et compte tenu de la décision de l'Autorité palestinienne d'arrêter la coopération sécuritaire, c'est clair que Blinken va devoir jouer les messieurs bons offices et sans doute lâcher du lest, faire quelques concessions à l'Autorité palestinienne. Parce que même si cette décision a été prise, elle peut durer quelques semaines. Il est évident qu'il est de l'intérêt de tous de la rétablir, mais avec sans doute des concessions politiques. Anthony Blinken sera chargé d'évaluer et de décider dans un sens ou dans un autre.
Ces attaques ont été saluées dans la bande de Gaza. Le Hamas a clairement dit que les attaques israéliennes ne resteront pas sans conséquences. Est-ce que cela veut dire que le Hamas est clairement dans la provocation ?
Il est dans la rétorsion. Il y a eu effectivement des scènes de liesse un petit peu partout pour dire, œil pour œil, dent pour dent. C'est le grand combat palestinien, notamment du Hamas : essayer de rétablir, malgré la supériorité évidente de l'armée israélienne, un certain équilibre. Cette conjonction de l'attaque à Jénine, qui a fait neuf morts, et le lendemain à Jérusalem près d'une synagogue, huit morts, c'est exactement ce type d'équation que recherche le Hamas. Sans oublier malgré tout le fait que le rapport de force est totalement inégal entre les autorités palestiniennes, le Hamas et, de l'autre côté, l'armée israélienne.
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