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Israël-Palestine : attaques à Jérusalem, "massacre" en Cisjordanie... Comment la tension est remontée depuis le retour de Benyamin Nétanyahou au pouvoir

Depuis le début de l'année, 32 Palestiniens ont été tués lors d'opérations de l'armée israélienne. L'Etat hébreu a, lui, été endeuillé, vendredi soir, lors d'un attentat qui a coûté la vie à sept personnes.
Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou (à droite), et son ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben-Gvir, arrivent sur les lieux d'un attentat à Jérusalem-Est, le 27 janvier 2023. (MOSTAFA ALKHAROUF / ANADOLU AGENCY / AFP)

C'était il y a un mois. Le 29 décembre, le chef du parti de droite Likoud, Benyamin Nétanyahou, redevenait Premier ministre d'Israël, à la tête d'une coalition avec deux formations ultra-orthodoxes et trois mouvements d'extrême droite. Le dirigeant de 73 ans dévoilait alors ses quatre "missions principales", dont celle de "ramener la sécurité et la souveraineté à l'intérieur d'Israël". Le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, lui avait réservé un accueil tout en défiance : "Ce nouveau gouvernement d'extrême droite ne nous effraie pas. Nous allons rester debout jusqu'à la victoire et l'établissement d'un Etat palestinien." Un mois plus tard, les craintes d'une explosion du conflit israélo-palestinien sont loin de s'être envolées. Au contraire.

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Au lendemain d'une opération israélienne qui a fait neuf morts palestiniens en Cisjordanie occupée, sept personnes ont péri, vendredi 27 janvier, dans une fusillade près d'une synagogue à Jérusalem-Est lors des célébrations juives du shabbat. Samedi, une nouvelle attaque à Jérusalem-Est a fait deux blessés, selon les services de secours israélien. L'auteur des coups de feu est un Palestinien âgé de 13 ans, selon la police israélienne. Des bilans lourds, inédits depuis des années, sanglant apogée de quatre semaines de tensions entre Israéliens et Palestiniens.

Une "provocation" sur l'esplanade des Mosquées

La première étincelle vient d'une des figures les plus redoutées du nouveau gouvernement. Le 3 janvier, quelques jours seulement après sa nomination au poste de ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, star montante de l'extrême droite israélienne, se rend brièvement sur l'esplanade des Mosquées, à Jérusalem-Est, souvent considérée comme un troisième lieu saint de l'islam. Contrairement à la position des rabbins israéliens, l'homme souhaite que les juifs soient autorisés à prier sur le site, qu'ils n'ont jusqu'ici que l'autorisation de visiter. Son déplacement n'a rien d'illégal, mais constitue une "provocation sans précédent", selon le ministère des Affaires étrangères palestinien. Le mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir à Gaza, avait averti qu'une telle visite risquerait d'être "un prélude à une escalade".

> L'attaque contre une synagogue à Jérusalem "est un événement tragique à resituer dans le contexte d'une escalade de violence"

L'histoire risquerait-elle de se répéter ? En 2000, la visite d'Ariel Sharon, alors à la tête de l'opposition de droite, sur l'esplanade, avait entraîné des heurts sanglants, marquant le début de la seconde Intifada, un soulèvement palestinien jusqu'en 2005. Pas de quoi refroidir le nouveau ministre en charge de la police israélienne. "Si le Hamas pense que les menaces vont me dissuader, qu'il comprenne que les temps ont changé", prévient Itamar Ben Gvir.

L'ONU s'inquiète d'une "rhétorique incendiaire"

Les Etats-Unis, alliés d'Israël, font part de leur "profonde préoccupation" après cette visite, de nature à "exacerber les tensions et susciter la violence". En deux jours, l'affaire prend un tournant diplomatique, jusqu'à la convocation en urgence d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. "Quelle ligne rouge Israël doit-il franchir pour que le Conseil de sécurité dise enfin 'Ça suffit' et agisse en conséquence ?" s'insurge l'ambassadeur palestinien auprès des Nations unies, Riyad Mansour. De son côté, l'Etat hébreu défend une visite "totalement légitime" sur l'esplanade des Mosquées et nie toute entorse au "statu quo" encadrant la fréquentation des lieux saints de Jérusalem.

La passe d'armes diplomatique vient renforcer les inquiétudes. Deux semaines plus tard, l'émissaire de l'ONU pour le Proche-Orient, Tor Wennesland, dit redouter "de graves conséquences", constatant que "les Israéliens et les Palestiniens sont toujours sur une trajectoire menant à une collision, dans un contexte de rhétorique politique incendiaire qui s'intensifie et de violence accrue en Cisjordanie".

Selon l'ONU, 2022 avait été l'année la plus meurtrière en Cisjordanie depuis la fin de la seconde Intifada, avec au moins 150 Palestiniens, dont 33 enfants, tués par les forces israéliennes. Ces dernières y ont mené plus de 2 000 raids, notamment dans les secteurs de Jénine et Naplouse, bastions de groupes armés palestiniens. En 2023, le sang n'a pas tardé à couler de nouveau dans ce territoire occupé par Israël depuis 1967.

La Cisjordanie lourdement endeuillée

Dès le 2 janvier, deux Palestiniens ont été tués en Cisjordanie, lors d'une opération militaire visant à détruire les maisons de personnes accusées d'être impliquées dans une attaque meurtrière contre un officier israélien. Le 3 janvier, un garçon de 15 ans est mort près de Bethléem. Le 5 janvier, un adolescent de 16 ans a, à son tour, été tué par des tirs de soldats israéliens, lors d'affrontements entre l'armée et des combattants locaux.

Cette longue litanie s'est poursuivie tout le mois, dans un contexte rendu plus inflammable encore par une autre querelle israélo-palestinienne. Le 6 janvier, l'Etat hébreu a en effet annoncé des sanctions contre l'Autorité palestinienne pour lui faire "payer le prix" d'avoir fait adopter, le 31 décembre, à l'ONU, une résolution non contraignante sur les territoires occupés et la fin de la colonisation juive en Cisjordanie. "Ces [sanctions] constituent une nouvelle guerre contre le peuple palestinien", a dénoncé le Premier ministre Mohammed Shtayyeh.

Sur le terrain, l'accès de violence a fini par atteindre un pic, jeudi, avec la mort de neuf Palestiniens à Jénine au cours d'une opération présentée par l'armée israélienne comme un raid contre des activistes de l'organisation Jihad islamique. Un tel bilan humain n'avait jamais été recensé par les Nations unies lors d'une seule opération israélienne en Cisjordanie depuis le début du décompte en 2005. L'Autorité palestinienne a dénoncé "un massacre" et annoncé mettre fin à sa coopération sécuritaire avec Israël, une première depuis 2020.

Un attentat d'une ampleur rare à Jérusalem

Après 30 morts palestiniens en moins d'un mois, c'est sur le sol israélien que l'horreur a redoublé, vendredi. Un Palestinien armé a tué par balles sept personnes près d'une synagogue à Jérusalem-Est pendant les prières du shabbat, au soir de la journée mondiale à la mémoire des victimes de la Shoah. "Cet attentat est le plus grave et le plus meurtrier depuis près de dix ans", souligne sur franceinfo le chercheur David Khalfa, spécialiste du Moyen-Orient à la fondation Jean-Jaurès.

L'attaque de Jérusalem "est une réaction naturelle aux crimes de l'occupation contre notre peuple palestinien", a commenté le Hamas, tandis que Benyamin Nétanyahou a promis des "mesures immédiates". Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a fustigé une "atroce attaque terroriste" et une "attaque contre le monde civilisé". Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, doit se rendre lundi et mardi en Israël et Cisjordanie pour insister, selon Washington, sur "la nécessité urgente de prendre des mesures de désescalade". Le temps presse : deux hommes ont été blessés par balles, samedi, à Jérusalem-Est, dans une nouvelle attaque menée par un adolescent palestinien.

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