: Reportage "Ils ont tiré dans tous les sens" : à Jénine, les Palestiniens enterrent leurs morts après un raid de l'armée israélienne
C’est l’opération israélienne la plus meurtrière dans les Territoires Palestiniens depuis 20 ans : neuf Palestiniens sont morts jeudi 26 janvier à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, tués dans un raid de l’armée israélienne présenté comme une opération visant à arrêter et à éliminer des membres du Jihad Islamique Palestinien.
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A l’entrée du cimetière du camp de réfugiés de Jénine, on croise des Palestiniens par centaines, entourés d'une odeur de poudre qui monte au nez. Elle est émise par les tirs en l'air d'hommes, vêtus de noir, parfois le visage masqué. Ils se sont rassemblés à l'entrée du cimetière pour rendre hommage aux habitants tués. Quatre personnes ont été enterrées sur place, les autres sont originaires des villages alentour.
Selon l’armée israélienne, l’opération était surtout destinée à arrêter des combattants du Jihad islamique palestinien. Ils étaient soupçonnés d’avoir planifié et perpétré "des attentats terroristes majeurs", d'après le ministre de la Défense Yoav Gallant. "Pendant l’opération, les forces de sécurité ont opéré pour encercler le bâtiment dans lequel se trouvaient les suspects. Deux d’entre eux, armés, ont été identifiés alors qu’ils fuyaient les lieux et ont été neutralisés par les forces de sécurité", précise un communiqué.
"Une véritable boucherie"
"Parmi les martyrs du jour, il n’y a pas que des combattants armés, comme l’affirme Israël", déplore Mohammad Sabbagh, le président du comité populaire du camp de réfugiés. "Il y a aussi des enfants et une femme âgée. Nous avons l’habitude de cet ennemi, pour eux, nous sommes tous des cibles, peu importe ce que l’on fait."
"Cette politique de tuer les Palestiniens sans cesse n'apportera pas la sécurité et la stabilité pour les Israéliens."
Mohammad Sabbaghà franceinfo
Arrivées vers 7h du matin dans un camion de livraison, les forces spéciales israéliennes ont d'abord pris pour cible la maison des combattants palestiniens. Un autre habitant décrit la matinée : "Ils sont arrivés avec des jeeps et des bulldozers, leurs véhicules ont tout détruit sur leur passage, explique-t-il, "ils ont retiré les barricades installées par les habitants du camp, les voitures sur leur passage. Puis, ils ont vraiment tiré dans tous les sens, c’était une véritable boucherie".
Plus haut dans le camp, des carcasses de voiture attestent la présence des bulldozers de l’armée israélienne plus tôt dans la journée. Des gaz lacrymogènes ont été lancés dans l'hôpital gouvernemental de Jénine, où les patients - des femmes et des enfants - suffoquaient, affirme son directeur. Personne n’a tiré de gaz lacrymogènes à l’intérieur, s’est vigoureusement défendue l’armée israélienne, mais l’opération se déroulait à proximité. Dans le reste de la ville, tout est anormalement calme. Les boutiques, les restaurants, les cafés ont baissé le rideau par respect.
"Que vous soyez menaçant pour eux, ou non, ils tiraient sur tout le monde, se désole-t-il, c’est ça l’armée d’occupation israélienne. Et nous n’avons aucun espoir que les choses s’arrangent. Nous, Palestiniens, ils peuvent faire ce qu’ils veulent de nous. Ils nous tuent en toute impunité et personne n’ose rien leur dire. Pas un seul pays dans le monde n’ose s’y opposer. Ils veulent juste nous éliminer."
"Que valent les vies palestiniennes ?", s'interroge-t-il, en évoquant l'hypocrisie de la communauté internationale. Jeudi après-midi, le Premier ministre palestinien Mohameh Shtayyeh a justement appelé les Nations unies à intervenir. L’Autorité Palestinienne de son côté a annoncé la fin de la coopération sécuritaire avec Israël. La coordination sécuritaire entre Israéliens et Palestiniens – héritée des accords de paix d'Oslo (1993) ayant débouché sur la création de l'Autorité palestinienne – avait repris en novembre 2020. Sa suspension avait eu un effet notamment sur les transferts de patients palestiniens vers des hôpitaux israéliens. Depuis le début de l’année, 30 Palestiniens ont été tués.
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