Bombardement à Rafah : "Parler d'un accident tragique est d'un cynisme absolu", estime un spécialiste du Moyen-Orient
"Parler d'un accident tragique est d'un cynisme absolu", a réagi mardi 28 mai sur franceinfo Jean-Paul Chagnollaud, président de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO), aux propos du Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou. Ce dernier a qualifié d'"incident tragique" la frappe israélienne sur un camp de déplacés à Rafah qui a fait dimanche soir 45 morts et 249 blessés.
Pour Jean-Paul Chagnollaud, "il n'y a eu que des accidents tragiques depuis des mois et des mois. On en est à plus de 36 000 morts" depuis l'offensive d'Israël sur la bande de Gaza en représailles à l'attaque sanglante menée le 7 octobre par le Hamas sur le sol israélien qui a fait 1 170 morts, majoritairement des civils. "Je crois qu'on pourrait accepter cette formulation d'accident tragique si depuis plusieurs mois, il y avait une très grande mesure de l'armée israélienne, s'il n'y avait pas eu beaucoup de morts et si effectivement, c'est un événement un peu exceptionnel, mais c'est tout le contraire", a développé le spécialiste du Moyen-Orient.
"Depuis le début, c'est soit une erreur, soit un accident"
Selon lui, Israël ne peut se défausser de sa responsabilité compte tenu du bilan humain déclenché par la riposte israélienne après le 7 octobre 2023. "Quant au bout de huit mois, on a 36 000 morts, c'est une volonté délibérée de toucher aussi les civils", a-t-il argué, en réponse à la déclaration du porte-parole de l'armée israélienne. Olivier Rafowicz a expliqué mardi sur franceinfo que l'opération menée par l'armée israélienne "était une frappe ciblée, avec des missiles précis" et qu'il n'y avait "aucune volonté que des civils soient pris pour cible". "Depuis le début, on a ce type de déclaration, c'est soit une erreur, soit un accident", a déploré le président de l'iReMMO.
D'autant que le bain de sang de Rafah est intervenu alors que la pression internationale s'accroît sur Israël. Vendredi, soit deux jours avant la frappe meurtrière israélienne, une décision de la Cour internationale de justice avait ordonné à Israël de suspendre ses opérations dans cette ville située à la pointe sud de la bande de Gaza. "Beaucoup d'acteurs internationaux, les Nations unies, la France, les États-Unis ont dit à Israël de ne pas aller à Rafah, car ça allait être un désastre", a-t-il ajouté, condamnant l'obstination du président israélien Benjamin Nétanyahou.
"La Cour internationale de justice, qui est donc l'institution des Nations unies, a quand même évoqué l'idée d'un risque de génocide", a rappelé Jean-Paul Chagnollaud. En janvier, les juges de La Haye ont en effet enjoint l'État hébreu de prévenir tout acte de génocide.
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