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Guerre Israël-Hamas : "Sous des bombardements intenses" dans la bande de Gaza, les équipes du Croissant-Rouge "risquent leur vie pour sauver celle des autres"

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Fabien Magnenou
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des équipes du Croissant-Rouge palestinien patientent devant l'hôpital Al-Qods à Gaza, le 29 octobre 2023. (KHODER AL-ZAANOUN / AFP)
Nebal Farsakh, porte-parole de la société de secours, dénonce le blocage de l'aide venue du Sud, alors que l'armée israélienne poursuit ses frappes.

La bande de Gaza essuie toujours des bombardements menés par l'armée israélienne, et le nombre de victimes ne cesse d'augmenter. Le ministère de la Santé du Hamas affirme que plus de 10 300 personnes sont mortes dans l'enclave palestinienne depuis le 7 octobre – un bilan que franceinfo n'est toutefois pas en mesure de vérifier de manière indépendante.

Au milieu des gravats, les secouristes du Croissant-Rouge palestinien poursuivent leurs opérations dans un contexte éprouvant. Nebal Farsakh, porte-parole de la société de secours, explique les difficultés rencontrées par ses équipes pour porter assistance aux victimes.

Franceinfo : Pouvez-vous décrire l'état d'esprit au sein de vos équipes ?

Nebal Farsakh : La situation est catastrophique depuis un mois. Nos infirmières, nos médecins, nos secouristes, nos volontaires et nos auxiliaires médicaux travaillent sans relâche pour faire face au nombre croissant de victimes. Ils ne peuvent pas rentrer chez eux et n'ont pas pu prendre de nouvelles de leurs familles, qu'ils ont laissées sans nourriture, sans eau, ni électricité. Et sous d'intenses bombardements.

Certains collègues ont eu le choc de découvrir que leurs propres familles avaient été la cible de frappes aériennes israéliennes. Alors qu'il transférait des patients, l'un de nos secouristes a appris en arrivant dans un hôpital que son père avait été tué. Et l'une de nos infirmières, qui travaille dans un hôpital de Gaza, a découvert que son frère avait été admis dans l'établissement après une frappe. Il est mort.

Le Croissant-Rouge a-t-il lui-même essuyé des pertes ?

Quatre ambulanciers qui travaillaient pour le Croissant-Rouge palestinien sont morts, et 22 autres volontaires ont été blessés. Nos équipes effectuent leur travail dans des conditions extrêmement dangereuses, sous des bombardements intenses. Elles sont conscientes qu'elles risquent leur vie pour sauver celle des autres.

Huit ambulances ne sont plus en état de fonctionner et six autres ont été endommagées. Il nous en reste actuellement 28 en service. Nous avons également perdu plusieurs bâtiments : nos centres médicaux d'urgence à Gaza et dans le nord, ainsi que l'entrepôt central, en raison des bombardements qui ont eu lieu tout près.

Une ambulance du Croissant-Rouge palestinien détruite par une explosion, le 30 octobre 2023 à Gaza. (CROISSANT-ROUGE PALESTINIEN / AGENCE ANADOLU / AFP)

Il est très difficile de continuer à fonctionner dans un tel contexte. Nous demandons à la communauté internationale de faire pression sur Israël pour que soit garantie la protection des civils, des travailleurs de la santé, du personnel paramédical et des hôpitaux. Et ceci, conformément au droit humanitaire international.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les ambulanciers ?

La plupart des routes principales sont coupées, à cause des bombardements. Nos services d'urgence rencontrent donc de grandes difficultés pour atteindre les blessés en temps voulu. Quand ils répondent aux appels de blessés, ils doivent emprunter une route alternative, rocailleuse. Cela gêne considérablement le travail des ambulanciers, et allonge les délais d'intervention et l'accès aux victimes.

Comment travaillez-vous quand il n'y a plus de communications ?

Israël a procédé à trois coupures générales depuis le 7 octobre. La dernière a débuté hier matin, vers 10 heures. Nous avons partiellement rétabli la communication avec nos collègues sur le terrain, mais nous avons encore des difficultés à les joindre. 

Quand cela se produit, nous sommes dans l'impossibilité d'appeler les ambulances. Nous ne pouvons pas non plus recueillir et centraliser les données de nos équipes sur le terrain. Nous répartissons donc stratégiquement nos ambulances dans les cinq différents gouvernorats (Nord, Gaza, centre, Khan Younès et Rafah), afin que chacun puisse disposer de véhicules.

"Les équipes essaient d'écouter les bruits des frappes et de les suivre, afin d'arriver au plus vite sur les lieux."

Nebal Farsakh, porte-parole du Croissant-Rouge palestinien

à franceinfo

Des ambulances stationnent également devant les principaux hôpitaux. En effet, après les frappes, certains civils transfèrent eux-mêmes des blessés, à bord de leur véhicule personnel. Quand les premiers patients arrivent, nous pouvons alors leur demander où le bombardement s'est produit et nous rendre sur place, afin de prendre en charge les autres victimes. Tout ceci allonge évidemment la prise en charge, car il faut attendre l'arrivée des premières familles.

Le Croissant-Rouge palestinien gère l'hôpital Al-Hamal, à Khan Younès, et l'hôpital Al-Qods, à Gaza. Ces établissements sont-ils en sécurité ?

Le voisinage de l'hôpital Al-Qods, géré à Gaza par le Croissant-Rouge palestinien, subit des bombardements intenses. De nombreuses frappes aériennes ont eu lieu très près, à quinze mètres seulement du bâtiment. La plupart des immeubles alentours ont été détruits. A l'intérieur de l'établissement, au moins 60 patients ont été blessés par ces bombardements, dont quatre grièvement. L'un d'entre eux se trouvait dans l'unité de soins intensifs, quand il a été blessé de nouveau. 

Les autorités israéliennes ont réclamé l'évacuation de cet hôpital…

Nous avons des patients qui se trouvent dans l'unité de soins intensifs, ainsi que des bébés dans des couveuses. Les évacuer signifierait les tuer. Par ailleurs, il n'y a pas d'endroit plus sûr à Gaza. Nous avons donc annoncé à plusieurs reprises que nous n'avions pas les moyens d'évacuer les patients, le personnel ou même les 14 000 civils qui sont actuellement à l'abri, des femmes et des enfants pour la plupart. Il n'y a aucun endroit où aller en raison des bombardements, partout dans la bande de Gaza.

Par ailleurs, Israël a refusé d'autoriser le transfert de l'aide humanitaire vers le nord de la bande de Gaza, qui est totalement coupée du Sud. L'hôpital Al-Qods, à ce stade, n'a toujours pas reçu de fournitures médicales ou de médicaments. Nous lançons donc un appel urgent à la communauté internationale pour que l'aide soit acheminée. Dans 36 heures, l'hôpital Al-Qods sera à court de carburant, et ne pourra plus continuer à fonctionner. Il n'y aura plus d'électricité pour les machines qui maintiennent en vie nos patients, et il n'y en aura plus pour les couveuses des nourrissons.

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