Guerre Israël-Hamas : "Tout doit être mis en œuvre" pour que les hôpitaux puissent "continuer à fonctionner", souligne une spécialiste du droit humanitaire
L'armée israélienne a annoncé mercredi 15 novembre mener une opération "ciblée" contre des membres du Hamas au sein de l'hôpital al-Chifa dans la bande de Gaza. La Croix-Rouge et l'ONU se sont dit "extrêmement inquiètes" après le lancement de cette opération. Julia Grignon, directrice scientifique de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (Irsem) et présidente de la sous-commission "droit international humanitaire et action humanitaire" de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), invitée de franceinfo ce mercredi, est revenue sur le droit international en temps de guerre, concernant les hôpitaux.
franceinfo : Dans quelle mesure une intervention dans un hôpital, où se trouvent 2 300 personnes, peut-elle entrer dans le cadre d'une guerre ?
Julia Grignon : Un hôpital, c'est un bien de caractère civil. Et dans une guerre, seuls les objectifs militaires peuvent être attaqués. Donc normalement, un hôpital ne devrait jamais être ciblé, attaqué. Et en plus, en raison de sa fonction humanitaire, un hôpital bénéficie de ce qu'on appelle une protection spéciale, ça vient rajouter d'une certaine manière une deuxième couche de protection à l'hôpital, ça signifie qu'il doit être respecté et protégé.
Mais cet hôpital peut perdre sa protection s'il est utilisé pour commettre un acte nuisible à l’ennemi ; et dans ce cas-là, il peut devenir un objectif militaire, et peut faire l’objet d’une attaque. Mais il y a des précautions spécifiques qui doivent être prises, pour qu'il y ait le moins de dommages possibles qui soient causés à l'hôpital.
Selon vous, est-ce que l'armée israélienne semble avoir pris ces précautions, en disant que le Hamas utilise cet hôpital comme une base militaire ?
D'abord, ce que j'observe, c'est qu'il ne s'agit pas de bombarder l'hôpital, mais il s'agit de rentrer dans l'hôpital et d'y mener une opération. Il faut prendre les faits avec précaution, c'est-à-dire que ce qui nous revient du terrain doit être vérifié. Ce que j'observe donc, c'est qu'il ne s'agit pas du bombardement de l'hôpital, mais de l'armée qui rentre dans l’hôpital, qui, parce qu'elle pense qu'il y a ici un centre de commandement du Hamas, y cherche peut-être des personnes qui participent aux hostilités pour le compte du Hamas, ou des armes ou d'autres éléments qui peuvent effectivement servir au Hamas pour commettre des actes qui seraient militaires et qui pourraient nuire à Israël.
Cet hôpital manquait de toute façon déjà de tout, avant l'opération de l'armée israélienne, c'est un problème, et c'est compliqué à documenter également ?
Pour le coup, je crois que c'est assez documenté, parce que les personnels humanitaires qui se trouvent dans la bande de Gaza font remonter des informations un peu partout, pour expliquer qu'il n'y a plus d'eau, plus d'électricité, et que donc ils ne peuvent plus fonctionner normalement. Bien sûr, ça c'est une violation du droit international humanitaire. Un hôpital doit être non seulement respecté, donc pas attaqué, et protégé : tout doit être mis en œuvre pour qu'il puisse continuer à fonctionner, en raison de sa fonction humanitaire.
"Même quand on mène une opération militaire de grande ampleur, ce qui est possible dans les conflits armés, on doit toujours veiller à ce que les civils, et en particulier les malades, continuent à être approvisionnés et qu'ils puissent être soignés."
Julia Grignon, directrice scientifique de l'Irsemà franceinfo
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas évoque "une violation du droit international", "une guerre barbare" et "un génocide". Peut-on utiliser ces mots ?
Je crois que qui que ce soit qui emploie des mots dans ce conflit aujourd'hui, il faut être sur la réserve. Les qualifications juridiques viendront de la part de juges, dans un deuxième temps. Ces mots aujourd'hui sont utilisés à des fins politiques. En tout cas, ce qui est absolument certain, depuis le 7 octobre, depuis les attaques perpétrées par le Hamas et la réponse de l'État israélien, c'est qu'il y a des violations très graves du droit international, qui sont commises dans la bande de Gaza et qui ont été commises en Israël. Qu'on les qualifie ensuite de crimes de guerre, de génocide ou de crimes contre l'humanité, ça ce sont des qualifications juridiques, qui peuvent être subtiles. Ce sont de toute façon des violations très graves qui doivent cesser.
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