Quatre questions sur la situation des prisonniers palestiniens en Israël, dont le Hamas réclame la libération
La branche armée du mouvement islamiste palestinien Hamas a posé ses exigences, samedi 28 octobre. Elle s'est déclarée prête à relâcher les otages capturés lors de l'attaque en Israël le 7 octobre, en échange de la libération de tous les Palestiniens incarcérés par Israël.
Le Hamas affirme retenir 200 à 250 otages, tandis que l'Etat hébreu en dénombre 230. De son côté, Israël détient plusieurs milliers de Palestiniens dans ses prisons. Que sait-on de ces détenus et de leurs conditions de détention ? Franceinfo vous explique leur situation.
1 Combien de Palestiniens sont détenus par Israël ?
En juillet, l'ONU estimait à 5 000 le nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 160 enfants et 1 100 personnes en détention administrative, c'est-à-dire détenues sans charges pour une période indéfinie. Mais au cours des deux dernières semaines, l'armée israélienne a multiplié les raids et les arrestations de masse en Cisjordanie occupée, ainsi qu'à Jérusalem-Est.
Ainsi, le nombre de détenus a grimpé à plus de 10 000, selon Qaddoura Farès, chef de la Commission pour les affaires des prisonniers palestiniens, qui dépend de l'Autorité palestinienne, dont les propos ont été rapportés par la chaîne d'information qatarie Al-Jazeera. Lundi, cette commission dénombrait 1 680 personnes arrêtées depuis l'assaut, dont 80% placées en détention administrative et une partie relâchées ultérieurement, dans un message publié sur Telegram. Ce chiffre inclut "des enfants, des femmes, des personnes âgées et d'anciens détenus qui ont été arrêtés à leur domicile ou à des checkpoints comme otages pour obliger des membres de leur famille à se rendre", précise la commission.
Et depuis le 7 octobre, "quelque 4 000 travailleurs gazaouis sont bloqués en Israël", selon l'ONU. "Certains ont été arrêtés par les autorités israéliennes, d'autres transférés dans des refuges publics en Cisjordanie occupée".
2 Qui sont les Palestiniens arrêtés depuis le 7 octobre ?
"On n'avait pas vu une campagne d'arrestations de cette ampleur depuis des années en Cisjordanie", a déclaré la Commission pour les affaires des prisonniers palestiniens à l'AFP. Depuis le début de la guerre, des dirigeants et membres du Hamas, ainsi que des membres du Jihad islamique palestinien ont été arrêtés. Le 30 octobre, la commission affirmait sur Telegram que des parlementaires et des journalistes comptaient parmi les détenus.
Des enseignants figurent aussi parmi les prisonniers. "L'un d'eux était mon professeur, il nous enseignait la religion au lycée (...) A chaque fois que quelque chose se passe à Gaza ou en Cisjordanie en général, il se fait arrêter. C'est sûrement la 25e fois qu'on l'arrête", a raconté Hamze, un jeune Palestinien du camp de réfugiés de Jénine (Cisjordanie), à franceinfo.
Ismail, un autre résident de Jénine, a été témoin d'un raid nocturne de Tsahal : "Il y a quelques jours, quand je dormais, l'armée israélienne est arrivée et ils ont arrêté un jeune. Il avait posté quelque chose sur les réseaux sociaux", témoigne-t-il. Et le jeune homme d'ajouter : "S'ils n'arrivent pas à arrêter la personne qu'ils cherchent, ils peuvent arrêter son frère, son père, son fils ou n'importe lequel de ses proches."
3 Que sait-on de leurs conditions de détention ?
Deux prisonniers palestiniens arrêtés en octobre sont morts dans les geôles israéliennes, selon la Commission et l'ONG palestinienne Addameer, qui cite l'administration pénitentiaire israélienne : Omar Daraghmeh, 58 ans, détenu à la prison de Megiddo, et Arafat Hamdan, 25 ans, détenu à la prison d'Ofer.
Outre les difficultés des détenus à rencontrer leurs avocats et leurs familles, la commission dénonce sur Telegram leurs conditions de détention : "Coupure de l'électricité dans les cellules pendant de longues heures, recours à une politique de famine, en confisquant les denrées des cantines et en réduisant les repas à deux par jour, attaques brutales par les forces armées spéciales avec coups, bombes assourdissantes ou gaz lacrymogènes, privation de soins médicaux et de transfert vers les hôpitaux..."
Selon le média israélien Haaretz, le Parlement israélien a par ailleurs approuvé le 17 octobre un projet de loi réduisant temporairement l'espace de vie minimum alloué à chaque prisonnier, avec des matelas à même le sol s'il n'y a pas de lit disponible. Ce plan permet aussi aux prisons israéliennes de dépasser leur pleine capacité. Depuis 2017, cet espace a été fixé à 3,5 mètres carrés par la Cour suprême.
L'Autorité palestinienne affirme que "plus de dix prisonniers peuvent cohabiter dans une même cellule", quand d'autres subissent un isolement prolongé. Elle dénonce aussi la "confiscation de téléviseurs et de tous les appareils électriques (...) de vêtements, couvertures et chaussures", "la fermeture de buanderies" et "l'impossibilité de jeter ses déchets".
Interrogée par Al-Jazeera, l'avocate Sahar Francis, directrice générale de l'organisation palestinienne Addameer, affirme que la plupart des prisonniers de Gaza sont détenus dans la base militaire de Sde Teyman, dans le sud du désert du Néguev, près de la ville de Beer-Sheva, plus grande ville du sud d'Israël. D'autres se trouvent près de la prison d'Ofer, près de Ramallah en Cisjordanie, et dans le camp militaire d'Anatot, près du village d'Anata, vers Jérusalem-Est, détaille l'avocate.
4Quelle législation s'applique aux détenus ?
Depuis 2002, la loi israélienne sur les "combattants illégaux" permet la détention administrative de prisonniers pendant une période de six mois renouvelables, en l'absence de jugement. Est considérée comme "combattant illégal" une "personne qui a participé directement ou indirectement à des actes hostiles contre l'Etat d'Israël, ou est membre d'une force perpétrant des actes hostiles contre l'Etat d'Israël". C'est principalement sur ce motif que sont arrêtés les Palestiniens de la bande de Gaza. Ce texte de loi "constitue une détention administrative avec encore moins de protection pour les détenus que le régime restrictif en vigueur en Cisjordanie", selon Human Rights Watch.
L'ONG cite par ailleurs l'Ordre militaire 1651, ou Code criminel, en vigueur depuis 2010 en Cisjordanie. Comme le rappelle Addameer, il autorise l'arrestation d'une personne pour une durée maximale de huit jours avant qu'elle ne soit présentée au tribunal.
Un rapport de l'ONU (PDF) datant de juin épingle les détentions arbitraires pratiquées par Israël. Le document révèle que, depuis 1967, plus de 800 000 Palestiniens, dont des enfants, ont été arrêtés et détenus par Israël. "Les Palestiniens sont souvent présumés coupables sans preuve, arrêtés sans mandat, détenus sans inculpation ni procès et brutalisés dans les prisons israéliennes", détaille le rapport.
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