Reportage "Le monde ne comprend pas ce qu'on vit" : à Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, ceux qui n’ont pas fui vivent sous la menace des attaques du Hezbollah

Dans la ville la plus au nord d'Israël, Kiryat Shmona, la plus grande partie de la population a fui pour ne plus être sous le feu du Hezbollah.
Article rédigé par Claude Guibal - Marc Garvenes
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Fumée de roquettes lancées depuis le Liban sur le nord d'Israël près de la ville de Kiryat Shmona, juin 2024. (JACK GUEZ / AFP)

Riposter à Israël, quelles qu’en soient les conséquences : c'est le message du chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah lors d’un discours mardi 6 août. Depuis le début de la guerre, le Hezbollah a ouvert un nouveau front à la frontière nord d’Israël : échanges de tirs quotidiens, drones, lancement de roquettes... Mardi, 14 personnes ont été blessées lors de ces attaques.

Près de 80% de la population de la région a fui depuis le début de la guerre pour ne plus être sous le feu direct du Hezbollah. C’est le cas à Kiryat Shmona, la ville la plus au nord d’Israël, à cinq km seulement de la frontière. Des 25 000 habitants avant la guerre, il ne reste plus qu’un à deux milliers de personnes.

À l’approche de Kiryat Shmona, les feux de signalisation clignotent sur des routes vides. Dans la grande zone commerciale désertée, le vétérinaire Rami Perlstein attend au milieu des rayons du magasin pour animaux : "Dès le début j’ai dit que je resterai jusqu’au bout. Parce que je suis véto, et qu’il y ait la guerre ou la paix, je suis là pour m’occuper des animaux. Il y a plein de gens qui vivent plus au sud, juste à dix minutes, et qui ont peur de venir à Kiryat Shmona, parce qu’après la colline là-bas, c’est le Liban." Chaque jour, le même programme : "À partir de 14 heures, les terroristes du Hezbollah commencent à tirer sur nous et il vaut mieux ne pas rester ici après cette heure-là."

"Les autorités disent qu’on a 15 secondes pour se mettre à l’abri. Mais, en fait, on entend l’alerte et une à deux secondes après la sirène, ça tombe."

Rami Perlstein, vétérinaire israélien

à franceinfo

Il y a quelques jours, les débris d’une roquette ont touché sa voiture. Dans un coin, un perroquet attend dans sa cage. "On le récupère dans deux semaines", avaient dit les propriétaires au moment d’évacuer. Presque un an a passé, et ils ne sont jamais revenus. Une femme entre, dans les bras, un vieux chien au souffle court enveloppé dans une serviette. Elle s’appelle Neta, elle vit à 20 mn de là. Son vétérinaire est parti à la guerre : "J’étais terrifiée, j’ai roulé à toute vitesse avec les yeux rivés vers le ciel, les montagnes. La nuit dernière, on a eu une attaque. On a été réveillé à deux heures du matin par les sirènes, de grosses explosions."

"Être toujours près d'un abri"

Son fils aîné est réserviste, le second est à Gaza, le troisième a été blessé là-bas, au début de la guerre : "Je n’ai pas peur, je suis furieuse. Car le monde ne comprend pas ce qu’on vit. On nous attaque, on nous critique, on nous est hostile." Dans le magasin d’à côté, la clim ne marche plus. Il y a deux jours, une roquette a touché le bloc extérieur. La boucherie s’ouvre sur des étals vides. Khattar, le propriétaire, a vu partir ses 16 employés. Il ne vit que grâce aux livraisons dans le Golan et ce ne sont pas les petites subventions de l’Etat qui comblent les pertes. Ici, avant, c’était noir de monde. Khattar est fatigué : "Ça fait peur… Il faut être sur ses gardes, être toujours près d’un abri. Écouter les recommandations des autorités."

Au loin, des tirs d’artillerie retentissent. Rami le vétérinaire est remonté dans sa voiture. Deux heures plus tard, de nouvelles roquettes toucheront Kiryat Shmona.

Le reportage de Claude Guibal et Marc Garvenes à Kyriat Shmona

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