Résolution de l'ONU pour un cessez-le-feu à Gaza : "Rien ne garantit sa mise en œuvre" par Israël, estime un ancien ambassadeur
Après plus de cinq mois de guerre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté pour la première fois lundi 25 mars une résolution exigeant un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza. Un appel bloqué plusieurs fois par les États-Unis qui se sont cette fois abstenus, accentuant la pression sur leur allié israélien, qui n'a pas apprécié.
Le gouvernement israélien a estimé que cette abstention américaine nuisait à ses efforts de guerre et à la libération des otages à Gaza qui sont encore 130, selon l'État hébreu, dont 33 seraient morts. L'espoir s'éteint petit à petit pour leurs familles après 171 jours de captivité. Mais pour Gérard Araud, ambassadeur de France en Israël (2003-2006), ancien représentant de la France à l'ONU et auteur de Israël : le piège de l'histoire aux éditions Tallendier, cette résolution ne fera qu'accentuer la pression sur Israël sans pour autant forcer l'État hébreu à respecter ce cessez-le-feu.
franceinfo : Israel va-t-elle appliquer cette résolution ?
Gérard Araud : Je ne suis pas convaincu qu'Israël applique cette résolution. Benyamin Nétanyahou l'a répété à plusieurs reprises : il veut aller jusqu'au bout de l'opération militaire. Et il sait parfaitement que si, aujourd'hui, il acceptait un cessez-le-feu, ça pourrait être considéré comme une victoire du Hamas. Ce qui est intéressant dans ce vote, c'est l'abstention américaine. Les Américains n'ont pas encore voté la résolution mais cela montre bien, peu à peu, l'éloignement entre Israël et l'administration Biden. Une administration Biden qui est piégée entre d'un côté sa gauche démocrate qui est propalestinienne, et d'un autre le gros de l'électorat américain qui reste proisraélien, et cela dans une année électorale.
"On a un peu l'impression d'une impuissance de l'administration américaine qui ne sait trop comment s'en tirer."
Gérard Araud, ambassadeur de France en Israël de 2003 à 2006à franceinfo
Israël a-t-elle les moyens de se fâcher fortement avec son allié américain ?
Oui, parce que c'est l'inverse d'une certaine manière qui se pose. C'est-à-dire que les États-Unis n'ont pas les moyens de faire pression sur Israël, parce qu'en année électorale, ce serait presque suicidaire. La relation entre Joe Biden et Benyamin Nétanyahou est désastreuse et cela depuis maintenant pas mal de temps. Tout le monde sait que, de toute façon, Benyamin Nétanyahou poignardera dans le dos Biden en se faisant l'avocat de Donald Trump, en disant qu'il a été abandonné par l'administration démocrate. Mais de nouveau Joe Biden est pris dans ce piège. Il essaye de s'en tirer et donc, au fond, il mécontente les deux côtés.
Selon vous, Joe Biden veut faire "en même temps" pour ne pas déplaire à sa gauche ?
Oui, c'est la chèvre et le chou. D'un côté, il veut montrer, donner des gages à sa gauche démocrate et c'est ce qu'il a fait en s'abstenant sur cette résolution. Mais de l'autre, il ne veut pas entrer en conflit avec la majorité proisraélienne et il continue de livrer des armes à Israël. La contradiction est patente.
La Maison Blanche est-elle vraiment surprise, comme elle le dit, par la réaction d'Israël à la résolution de l'ONU ?
Je ne pense pas et c'est normal qu’Israël, qui était contre cette résolution, se dise surprise et indignée. Cela fait partie un petit peu de la rhétorique. Mais cette résolution, ensuite, il faut la mettre en œuvre et rien ne le garantit.
"Au fond, ce qui compte quand même, ça reste les négociations en cours au Qatar entre les services de renseignement qatarien qui travaillent, si j'ose dire, pour le compte du Hamas, d'Israël et des États-Unis."
Gérard Araud, ambassadeur de France en Israël de 2003 à 2006à franceinfo
Alors, peut-être que cette résolution peut convaincre Israël de mettre un peu d'eau dans son vin, mais ce n'est pas assuré.
Ces résolutions ne sont pas contraignantes pour les États ?
Oui, selon une interprétation juridique américaine. Pour la France, ces résolutions sont totalement contraignantes. Mais enfin, en même temps, pour contraindre, il faut avoir les moyens de contraindre.
Mais elle met tout de même une certaine pression sur Israël ?
Oui, naturellement, elle met une pression sur Israël dans l'opinion publique israélienne. Cette opinion publique israélienne, ne l'oublions pas, ce n'est pas seulement les parents des otages. Il y a une fois par semaine des manifestations avec des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d'Israéliens qui manifestent contre le gouvernement. Le problème, c'est que la survie politique de Benyamin Nétanyahou, d'une certaine manière, est liée à la poursuite de la guerre. Car si la guerre s'arrête, on réglera des comptes en Israël, et notamment aux dépens de Netanyahou, rendu responsable du fiasco sécuritaire du 7-Octobre.
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