Le mystère de la mort d'Arafat s'épaissit
Après la diffusion d'un rapport suisse révélant la présence de polonium dans le corps de l'ancien leader palestinien, les chercheurs ont précisé que cet empoisonnement n'était pas forcément la cause de sa mort.
Le feuilleton sur les causes de la mort de Yasser Arafat a connu un nouveau rebondissement, mercredi 6 novembre, avec la diffusion d'un rapport rédigé par des scientifiques suisses, attestant de la présence de fortes doses de radioactivité dans le corps de l'ancien leader palestinien. Mais ces données ne suffisent pas à affirmer que c'est ce qui a provoqué sa mort, le 11 novembre 2004 près de Paris. Francetv info récapitule ce que l'on sait de ce dossier qui envenime les relations entre Palestiniens et Israéliens depuis presque dix ans.
Arafat a-t-il été empoisonné au polonium ?
C'est la thèse la plus plausible, selon le Centre universitaire romand de médecine légale de Lausanne-Genève. Les scientifiques suisses ont étudié des prélèvements effectués sur la dépouille de Yasser Arafat en novembre 2012. Ils y ont trouvé des taux de polonium-210, un élément radioactif, présent dans des doses jusqu'à 20 fois supérieures à la normale.
Et l'importance de ces doses "suppose forcément l'intervention d'un tiers", ont déclaré jeudi les experts suisses qui ont mené les analyses. "Nos résultats soutiennent raisonnablement la thèse de l'empoisonnement", a déclaré le professeur François Bochud, directeur de l'Institut de radiophysique appliquée, lors d'une conférence de presse.
Une autre étude, menée par des scientifiques russes, a analysé les mêmes prélèvements. L'agence officielle palestinienne Wafa a rapporté, mardi 5 novembre, que l'Agence fédérale d'analyses biologiques russe avait remis son rapport le 2 novembre, précisant que les conclusions en seraient rendues publiques ultérieurement.
Le polonium est-il la cause de sa mort ?
Impossible de l'affirmer. "On ne peut pas dire que le polonium a été la source de la mort" d'Arafat, a souligné François Bochud. Mais "on ne peut pas l'exclure", a-t-il ajouté, rappelant que ces analyses interviennent presque neuf ans après le décès du dirigeant palestinien.
Selon son collègue, le professeur Patrice Mangin, directeur du Centre universitaire romand de médecine légale, si les experts avaient pu obtenir des échantillons biologiques prélevés du vivant d'Arafat, ils auraient certainement pu être plus catégoriques, mais il n'en existe plus.
Malgré la prudence des scientifiques suisses, quelques minutes après la diffusion du rapport, Souha Arafat, la veuve du leader palestinien, a estimé que le document "confirme tous nos doutes" : "Il est scientifiquement prouvé qu'il n'est pas mort de mort naturelle et nous avons la preuve scientifique que cet homme a été tué."
Qui se cache derrière cet empoisonnement ?
Souha Arafat n'accuse aucun pays ou individu en particulier, mais souligne que le leader historique de l'Organisation pour la libération de la Palestine, qui signa en 1993 un accord de paix intérimaire à Oslo avec Israël, mais mena ensuite une révolte en 2001 lorsque d'autres pourparlers échouèrent, avait beaucoup d'ennemis. En 2004, Israël assiégeait depuis plus de deux ans la Mouqataa, siège de la présidence palestinienne à Ramallah, où Arafat résidait avant d'être transféré à Paris.
En 1997, cinq agents israéliens se faisant passer pour des touristes canadiens avaient tenté de tuer Khaled Mechaal, un haut dirigeant du Hamas, en lui injectant une substance toxique. Sous la pression, Israël avait ensuite dû fournir un antidote. Un porte-parole du Hamas, au pouvoir à Gaza, Sami Abou Zouhri, a affirmé mercredi que "Khaled Mechaal avait été le premier à considérer que la mort d'Arafat avait été causée par un empoisonnement imputé à l'occupant".
Quelques heures après la publication du rapport suisse, Israël a une nouvelle fois rejeté catégoriquement toute implication dans la mort de Yasser Arafat. Raanan Gissin, un conseiller d'Ariel Sharon, Premier ministre israélien au moment de la mort d'Arafat, a assuré que "les instructions de Sharon étaient de prendre toutes les précautions pour qu'Israël ne soit pas accusé de la mort d'Arafat. C'est aussi pour cette raison que Sharon a permis l'évacuation vers un hôpital en France d'Arafat lorsqu'il s'est avéré qu'il était mourant."
Interrogé sur les menaces de mort que Sharon avait lancées dans le passé contre Arafat, Raanan Gissin a assuré qu'il ne s'agissait que de "déclarations politiques n'ayant pas eu de suites opérationnelles". Avant de retourner la mise en cause : "Au lieu de lancer des accusations sans fondement contre Israël, les Palestiniens feraient mieux de s'interroger sur ceux qui dans l'entourage d'Arafat avaient intérêt à sa disparition, et surtout sur qui a mis la main sur l'argent que contrôlait Arafat."
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