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"Chirac est mon meilleur ami", disait Rafik Hariri, l'ancien Premier ministre du Liban

Ancienne collaboratrice de Rafik Hariri, le Premier ministre libanais tué à Beyrouth en 2005, Rima Tarabay raconte les racines de cette amitié avec l'ancien président français Jacques Chirac.

Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le président français Jacques Chirac accueille le Premier ministre libanais Rafic Hariri, le 25 avril 2003 à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

"Jacques Chirac est mon meilleur ami", telle est la confidence faite par Rafik Hariri à sa proche collaboratrice, Rima Tarabay, peu de temps avant son assassinat et qu’elle n’hésite pas à rapporter quitte à susciter des jalousies post-mortem. "Entre eux, les relations étaient très amicales. Ils avaient beaucoup d'admiration l'un pour l’autre, ça se voyait dans leurs yeux, dans leur manière d'être", souligne-t-elle encore.

Les deux hommes se sont connus à l’époque où l’un n’était encore que maire de Paris, en marche vers l’Elysée, et l’autre entrepreneur à succès en Arabie Saoudite et en France, où il a transformé la société française d’ingénierie Oger en Oger international.

L'entrepreneur devenu Premier ministre du Liban et le maire de Paris devenu Président

Premier ministre libanais entre 1992 et 2004, Rafik Hariri est entré en politique dans le costume d'un chef d'entreprise. Il va très vite nouer des relations étroites avec celui qui allait devenir, le 17 mai 1995, le 22e président de la République française. Dans leur ouvrage Chirac d’Arabie, Christophe Boltanski et Eric Aeschmann livrent un des ressorts de cette amitié. "Apprenant la très grave anorexie mentale dont souffre Laurence, la fille aînée des Chirac, écrivent-ils, il (Rafic Hariri) l'emmène à bord de son avion privé consulter des psychiatres dans une clinique américaine. Il entre ainsi dans l’intimité la plus profonde du couple, touche leur blessure secrète".

"L'élection de Chirac en 1995 avait été une source de joie pour le Liban et pour Hariri, témoigne Rima Tarabay, mais tellement de choses ont évolué après cette date. Il est celui qui a fait le plus pour le Liban." Les deux responsables politiques se parlaient en effet tout le temps, se concertaient sur tout ce qui touche au Proche-Orient. "Rafik Hariri a beaucoup apporté à Jacques Chirac pour sa vision de la région."

Hariri partageait avec Chirac son savoir-faire avec le monde arabe

Il partageait avec lui son savoir-faire avec le monde arabe au point que l’ancien président français défunt fait état dans ses mémoires de "liens indéfectibles" noués entre lui et la famille Hariri. Certes, Rafik Hariri n’a pu devenir Premier ministre, ni former un gouvernement au Liban sans l’aval de la puissance tutélaire de la Syrie. A l'époque, Hafez al-Assad, père de l’actuel président syrien, appliquait encore avec le pays des Cèdres le principe de "prendre... mais aussi donner""Une politique avec laquelle Rafik Hariri était à l’aise, pourvu qu'il puisse gouverner", explique Rima Tarabay, d’autant qu’il entretenait des relations privilégiées avec le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, caution sunnite du régime alaouite au pouvoir à Damas.

Le Premier ministre de la reconstruction libanaise a ainsi "appris à son ami Chirac les règles du jeu proche-oriental, ou comment trouver l’équilibre et la stabilité". Un jeu parfaitement intégré par celui-ci au point que le président syrien ira jusqu'à lui confier son fils en personne. Toujours dans ses mémoires, Jacques Chirac raconte que Hafez al-Assad lui avait dit peu avant sa mort en 2000, "Bachar est comme ton fils, tu devras donc le traiter comme tel".

Rafik Hariri pousse Chirac à recevoir Bachar et à l'encourager au changement

C’est Rafik Hariri qui poussera le président français à rencontrer Bachar al-Assad et à l’encourager à la politique d’ouverture qu’on lui prêtait. Mais les choses vont se gâter parce que l’héritier du pouvoir Assad va se montrer vorace. Il va laisser le système sécuritaire envahir le pays. "Il en voulait plus, toujours plus. Contrairement à son père, il n’avait pas de limite à ce qu'il voulait 'prendre'. Hariri n’avait plus aucune autonomie de décision", raconte a posteriori la collaboratrice du défunt Premier ministre.

Rafik Hariri a commencé à résister au diktat de Damas en s’opposant notamment à la prolongation du mandat présidentiel d’Emile Lahoud. Il sera convoqué par Bachar qui le menacera : "Tu fais ce que je te dis, sinon je casserai tout ce que tu as reconstruit sur ta tête et la tête de ton ami Chirac."

Le 14 février 2005, Rafik Hariri est tué en même temps que 21 personnes par l’explosion d’une tonne de TNT au passage de son véhicule en bord de mer au cœur de Beyrouth. Jacques et Bernadette Chirac seront les premiers à se rendre auprès de Nazek Hariri, la femme du Premier ministre assassiné, qui se trouvait à Paris à ce moment. "Le président français l’appellera d’ailleurs tous les jours, raconte Rima Tarabay, c’est grâce à cela qu’elle n’a pas sombré dans la dépression".

Pour Chirac, la responsabilité de Bachar dans la mort de Hariri ne fait aucun doute

"La responsabilité de Bachar al-Assad dans la mort de Rafic Hariri ne fait aucun doute à mes yeux, même si je n’en ai pas la preuve absolue", écrira le président français dans ses mémoires. Jusqu’à la fin de son mandat, il se battra pour la mise en place d’un tribunal international, sous l’égide de l’ONU, pour juger les responsables du meurtre de son ami.

Après son départ de l’Elysée en mai 2007, le couple Chirac "n’avait pas eu le temps de trouver un logement", selon un communiqué de son entourage et c’est naturellement que la famille Hariri lui a proposé de le loger au 3 quai Voltaire à Paris. Un appartement acheté en 2001 par Hariri, mais jamais occupé.

"Pour les Français, cela peut paraître scandaleux, dit encore celle qui assure les relations entre le fils Hariri, Saad, et les parlements français et européen. Mais pour les Hariri, c’était un frère qui avait besoin de se loger et il aurait été impensable de ne pas le faire. S’il y a eu de l’argent entre les deux hommes, c’est parce qu’il y avait de l’amitié et non l’inverse."

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