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Explosions à Beyrouth : "Le nitrate d'ammonium stocké depuis six ans ne répondait sûrement plus aux critères techniques"

Pour Marie-Astrid Soenen de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, la durée du stockage et les fortes chaleurs ont pu rendre le produit "plus sensible à la détonation".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La recherche d'éventuels survivants se poursuit à Beyrouth (Liban), au lendemain de la double explosion dans le quartier du port, mercredi 5 août. (JOSEPH EID / AFP)

Les deux déflagrations qui ont frappé Beyrouth mardi 4 août et tué au moins 100 personnes seraient liées, selon le gouvernement libanais, à l'explosion d'environ 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium."Le nitrate d'ammonium était stocké depuis six ans, il ne répondait sûrement plus aux critères techniques", affirme sur franceinfo Marie-Astrid Soenen, responsable du pôle substances produits et procédés à la direction des risques accidentels de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). "Ce produit n'était peut-être plus de très bonne qualité, il était très sensible à la détonation", explique-t-elle.

franceinfo : Qu'est-ce qui peut faire exploser un tel stock de nitrate d'ammonium ?

Marie-Astrid Soenen : Le nitrate d'ammonium, normalement, est un produit dit stable, mais il faut toujours avoir en mémoire qu'il a deux grandes utilisations : les fertilisants et, en tant que matière première, pour la fabrication des explosifs. Donc, ça veut dire que ce produit a un potentiel de détonation riche. Mais aujourd'hui, il y a des données qui manquent dans le cas de Beyrouth. Là, on sait que c'est du nitrate d'ammonium mais on ne sait pas quelle était la finalité de ce produit.

Était-il un produit qui avait été fabriqué en vue d'être utilisé comme fertilisant ou en vue d'être une matière première pour fabriquer des explosifs ?

Marie-Astrid Soenen

à franceinfo

Il est moins sensible à l'explosion pour les fertilisants puisqu'il doit répondre à pas mal de critères techniques. Sinon, il ne peut pas être mis sur le marché comme engrais.

On est dans le même cas de figure que l'explosion de l'usine AZF à Toulouse en 2001 ?

Pas exactement, parce que dans le cas d'AZF, ce n'était ni un produit désigné engrais, ni un produit de qualité technique semblable au nitrate d'ammonium. C'était ce qu'on appelle des rebuts de fabrication. Donc c'était un produit qui était plus sensible. Alors qu'à Beyrouth, on ne sait pas ce qui était stocké. Par contre, les six ans de stockage n'ont pas dû aider, surtout avec les températures locales, puisque le nitrate d'ammonium a ce qu'on appelle une transition cristalline vers 32 degrés. Cela crée donc des particules plus fines que son état physique initial qui est autorisé sur le marché. Et là, il ne répond plus aux critères techniques parce que ces produits dégradés sont plus sensibles à la détonation. Et c'est ce qui a dû se passer hier.

Ce produit n'était peut-être plus d'une très bonne qualité et en plus, les conditions ont été rassemblées pour amener aux phénomènes de détonation de ce stockage.

Marie-Astrid Soenen

à franceinfo

C'est donc un produit qu'il faut utiliser dans un laps de temps limité, puis s'en débarrasser ?

Il faut surtout bien respecter tout ce qui existe au niveau normes, règlement européen, directives et nomenclature françaises, qui sont très bien encadrés après l'accident de Toulouse, où tout ça avait été revu au niveau de l'échelle européenne, puis transposé en droit national. L'Ineris est par exemple régulièrement appelé lorsqu'un produit est importé à base de nitrate d'ammonium en France et qu'on a un doute sur l'un des critères techniques. L'Ineris intervient pour regarder cette problématique et savoir si le produit est dangereux ou pas. S'il est désigné dangereux, à ce moment-là, on demande à ce que le produit soit "coupé" avec d'autres produits pour abaisser sa sensibilité au risque de détonation.

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