"Il y a encore beaucoup de travail" : deux ans après l'explosion du port de Beyrouth, la lente reconstruction de la ville
Deux ans après l'explosion du port de Beyrouth, la reconstruction est lente et le pays s'enfonce dans dans une crise politique et sociale sans précédent.
Il y a deux ans, le 4 août 2020, une explosion secouait le port de Beyrouth, au Liban faisant 218 morts, plus de 6 500 blessés, et des milliers de bâtiments détruits. "La première priorité reste la formation d'un gouvernement" , déclarait Emmanuel Macron il y a pile un an, devant la population libanaise, sans gouvernement depuis près de douze mois.
Un an plus tard, face à l'inaction politique qui continue, Karim Emile Bitar, professeur de sciences politiques à Beyrouth, se sent désespéré. "Les Libanais ont le sentiment que les responsables de cette explosion, ou du moins ceux qui se sont montrés incapables de prendre les mesures nécessaires pour éviter qu'elle ne se produise, continuent de bénéficier d'une impunité totale", détaille-t-il.
"Les Libanais sont désespérés de ne pas voir à l'horizon le moindre changement politique. Malgré l'élection de quelques députés réformateurs, le système tient bon."
Karim Emile Bitar, professeur de sciences politiquesà franceinfo
En effet, l'enquête pour déterminer les responsables de l'explosion du port de Beyrouth piétine. Cette explosion a été le coup de grâce dans un pays déjà profondément affecté par l’une des crises financières les plus dramatiques au monde depuis 1850 selon la Banque mondiale, et par un mouvement de révolte de la population libanaise, qui n'a pas abouti aux changements politiques escomptés. Car même si des élections ont eu lieu cette année, le Premier ministre sortant Najib Mikati a été réélu et aucun gouvernement n'a été formé pour le moment.
"C'est une ville qui nous a éclaté à la figure"
Les stigmates de l'explosion sont toujours présents : dans les murs mais surtout dans les esprits de chaque habitant de la capitale libanaise. Il ne se passe pas un jour sans que Patricia Koder, porte-parole de l'association Care et habitante de Beyrouth, ne pense ou parle de l'explosion. "C'est une ville qui nous a éclaté à la figure alors qu'on était dedans, explique-t-elle. Et depuis, on vit avec. Elle fait partie de notre quotidien de tous les jours."
La reconstruction n'est pas prête d'être terminée. Depuis deux ans, ce sont surtout des ONG qui portent à bout de bras une partie du Liban et qui se mobilisent pour faire avancer les choses. Nadim Assar travaille à Offre Joie : l'association prévoit de terminer son grand chantier fin septembre dans le quartier de Karantina, tout près du port, "parce que c'était un des plus touchés" et selon lui, "il y a encore beaucoup de travail à faire".
"Au total, il y a eu au moins 2 400 personnes qui se sont jointes à nous. Vu que l'Etat est complètement inactif, il incombe aux ONG d'intervenir à tous les niveaux."
Nadim Assar, membre d'Offre Joieà franceinfo
Selon Mona Fawaz, directrice de recherche au Beyrouth Urban Lab, estime qu'il reste 40% des bâtiments à reconstruire : "La reconstruction, ce n'est pas seulement la réparation des maisons. Les catastrophes exacerbent les inégalités, et une bonne reconstruction post-catastrophe doit en tenir compte. Mais il faut aussi rassembler les gens et formuler une histoire ensemble pour que les résidents puissent vraiment retourner dans un quartier où ils se sentent bien."
Mais pour Karim Emile Bitar, "le Liban ne pourra se relever que lorsqu'il se dotera d'institutions étatiques capables d'offrir des filets de sécurité sociale et de protection aux Libanais les plus vulnérables, dont le nombre augmente de jour en jour". Selon les derniers chiffres de la Banque mondiale, le taux de pauvreté dépasse les 82% au Liban et les dégâts du port sont évalués à 4 milliards d'euros.
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