Le tourisme au Liban paie un lourd tribut au conflit syrien
Les plages, les sites archéologiques romains ou phéniciens, les souks, les palais et les folles nuits beyroutines… n’attirent plus les riches touristes du Golfe ni les expatriés.
Les six monarchies pétrolières du Golfe ont appelé à l'unisson leurs citoyens – qui représentent quelque 65% des touristes – à la plus grande des prudences, donc à éviter le Liban pour des raisons de sécurité. Bilan des courses, une fréquentation qui s’est effondrée de 80% en juin sur un an.
Des images de violences
Et ce ne sont pas les images qui passent en boucle sur le petit écran qui vont les inciter à revenir. Le week-end du 22-23 juin 2013, par exemple, les télévisions ont largement couvert les affrontements entre l'armée libanaise et des islamistes radicaux à Saïda, l'antique Sidon. De quoi faire passer cette ville méridionale connue pour sa citadelle maritime, ses souks et son musée du savon, pour un haut lieu du terrorisme.
Idem au nord, où Tripoli est désormais plus connue pour les violences sporadiques entre partisans (sunnites) et opposants (chiites du Hezbollah et alaouites) de la rébellion syrienne que pour sa citadelle croisée et son souk antique. Dernières en date entre les deux camps, le 29 juin.
A Baalbeck, située dans la plaine de la Bekaa, les festivaliers ont fui les remarquables vestiges romains, où se déroule chaque année un célèbre festival lyrique. En cause, des tirs de roquettes attribués aux rebelles syriens, en représailles à l'engagement militaire du Hezbollah aux côtés du régime de Bachar al-Assad. Baalbeck est le fief historique du mouvement chiite.
A part Beyrouth, Byblos ou Jounieh (ces deux dernières sont situées en zone chrétienne), qui résistent à la morosité ambiante, les autres villes sont touchées de plein fouet par la désertion touristique.
Des chiffres d'affaires en chute libre
Pierre Achkar, le président du syndicat des hôteliers du Liban, estime que «300 établissements touristiques ont fermé leurs portes depuis le début de l'année».
Quant à Fadi Abboud, le ministre du Tourisme, il se lamente: «Le taux d'occupation des hôtels à Beyrouth atteint à peine 35% ce mois-ci, moitié moins qu'en temps normal. Hors Beyrouth, c'est catastrophique: 5% contre 35% d'habitude».
Alors que restaurants et boîtes de nuit voient leurs chiffres d'affaires s’effondrer d’au moins 50% depuis le début 2013, malgré les offres promotionnelles, les boutiques, faute de clients, ont commencé à brader leurs marchandises jusqu'à 90%.
Les expatriés ne reviendront pas au pays
A la différence de la guerre qui a ravagé le Liban entre 1975 et 1990, la diaspora libanaise ne veut pas cette fois prendre de risque: les Libanais de l’étranger craignent d'être pris au piège : «Il faut être fou pour aller au Liban en ce moment. Je ne viendrai pas cette année et j'ai conseillé à mes enfants d'en faire autant», affirme Elvira Hawwa, une Libanaise qui vit à Madrid.
Même son de cloche pour Leila, installée au Michigan, aux Etats-Unis: «J'avais l'intention de venir en juin mais j'ai annulé. Nous ne voulons pas revivre l'enfer de la guerre civile.» Et de conclure: «Avant, on pouvait fuir par la Syrie. Cette fois-ci, nous serons bloqués.»
Le ministre du Tourisme libanais confirme par ailleurs l’annulation de quelque 200 mariages, «un manque à gagner de 100 millions de dollars» dans un pays où les dépenses à cette occasion sont faramineuses. Le secteur compte désormais sur les nouveaux touristes: les Irakiens, Jordaniens et Egyptiens. «Eux sont moins influencés par le contexte de violences»...
Mais si la saison touristique est foutue, les violences alimentent une autre crainte, celle de voir replonger le Liban dans la guerre civile.
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