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Liban: des fuites de vidéos de torture à la prison de Roumieh font polémique

Des documents vidéos, postés sur les réseaux sociaux, montrant des scènes de torture dans la plus grande prison du Liban font scandale dans le pays. Outre le choc provoqué sur les esprits par ces pratiques inhumaines, ces images posent la question de l’intérêt et du timing de leur diffusion en plein ramadan. Le gouvernement a reconnu les faits et s’est engagé à poursuivre les responsables.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Vue générale de la prison de Roumieh, au Liban, où de nombreux islamistes, soupçonnés d'appartenir à l'organisation de l'Etat Islamique et au Front al-Nosra, sont détenus. (Bilal Jawich/Anadolu Agency)

Tournées il y a deux mois lors d’une mutinerie dans le centre de détention de Roumieh, des images diffusées sur les réseaux sociaux en ces premiers jours de ramadan ont mis le pays en émoi. On y voit des détenus arrêtés pour activisme islamiste sunnite, entassés aux trois-quarts nus dans une pièce et cruellement bastonnés par des membres des Forces de sécurité intérieure (FSI).
 
«Tu la vois la vierge là! C'est ta mère debout devant toi.»
Un premier, menacé de se voir arracher les yeux, est roué violemment de coups de tuyau sur le visage et le dos par un homme qu’on aperçoit furtivement. Un autre tortionnaire l’appelle en lui disant: «Viens voir celui-là, il paraît qu’on doit lui amener quarante vierges envoyées par dieu.»
 
L’homme à la matraque s’approche et fait pleuvoir les coups sur un détenu en culotte, les mains attachées derrière le dos, en lui disant: «Tu veux quarante vierges, tu la vois la vierge là ! C’est ta mère que tu vois debout devant toi.» 

Les coups s'abattent avec force partout sur son corps. 
Sur un autre document enfin, on peut voir le même tortionnaire s’approcher d’un autre homme barbu, lui aussi ligoté et en slip, qui avoue entre deux supplications qu’il est détenu pour transport de terroristes.

A ces mots, les coups s'abattent avec force partout sur son corps et sa tête. Une voix hors champ suggère «fais lui embrasser ton pied», l’occasion pour le détenu, identifié comme Cheikh Omar al-Atrache, de prendre deux coups de pieds dans le visage et de se tordre de douleur dans une mare d’eau sale sur le sol de la prison.
 
Le gouvernement a aussitôt réagi au scandale provoqué par la diffusion de ces documents pour éviter que l’affaire ne dégénère dans la rue.
Le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk a confirmé que les images avaient été tournées le 20 avril 2015, au moment de la mise au pas des islamistes mutinés pour s’opposer à leur transfert dans un autre bâtiment. Il a promis «une enquête transparente et des mesures disciplinaires».

Un spectacle qui rappelle celui des prisons syriennes. 
Mais surtout, a-t-il ajouté, «nous avons toujours condamné les actes de torture et d’agression dans les prisons syriennes et nous n’accepterons pas des actes similaires dans les prisons libanaises».
 
Un parallèle repris par le ministre de la Justice Ashraf Rifi qui a qualifié ces comportements de «crimes contre la nation et l’humanité» et accusé le parti chiite libanais du Hezbollah d'avoir diffusé les images. Auparavant, il avait qualifié ces pratiques de «résidus d’une mentalité appartenant au passé, des résidus de la mentalité  je suis désolé de le dire  de Bachar al-Assad». 
 
Même allusion également dans le commentaire du chef druze Walid Joumblatt. Il a aussitôt posté sur son compte twitter: «Je viens de voir le spectacle de la torture à la prison de Roumieh, on dirait un spectacle dans une des prisons syriennes.»
 
Une manière de pointer du doigt des méthodes, inspirées par Damas, pour une déstabilisation intercommunautaire du pays des Cèdres.

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