Proche-Orient : "Le Liban n'a jamais été une oasis de stabilité, mais aujourd'hui, la tension est à son comble", estime Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l'IRIS

Face au risque d'escalade militaire au Proche-Orient, les ressortissants étrangers au Liban sont appelés à quitter le pays. "Les Libanais ont la sensation d'être encore une fois pris en otage par le jeu des puissances régionales", explique un spécialiste du Proche et Moyen-Orient.
Article rédigé par franceinfo
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Des passagers attendent après que leurs vols ont été retardés ou annulés à l'aéroport international Rafik Hariri, à Beyrouth, au Liban, le 29 juillet 2024, alors que les tensions s'intensifiaient entre Israël et le Hezbollah. (WAEL HAMZEH / EPA)

"Le Liban n'a jamais été une oasis de stabilité, mais aujourd'hui, la tension est à son comble", regrette lundi 5 août sur franceinfo Karim Émile Bitar, professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Depuis quelques jours, les appels aux ressortissants étrangers à quitter le pays se multiplient face aux craintes d'une escalade militaire entre l'Iran et ses alliés, et Israël et ses alliés.

Or, Karim Émile Bitar rappelle qu'un "grand nombre de ces ressortissants occidentaux sont des binationaux". "Certains ne peuvent pas abandonner leur famille, d'autres craignent d'être coincés à l'extérieur pendant longtemps s'ils devaient quitter le pays", ajoute-t-il.

Ce spécialiste du Proche et Moyen-Orient observe au sein de la population de Beyrouth "un certain fatalisme et une certaine angoisse". "Beaucoup sont déterminés à rester chez eux, mais les plus angoissés ont pris des précautions en préparant leur maison de campagne dans des régions moins exposées", note-t-il. Karim Émile Bitar explique que "les Libanais ont la sensation d'être encore une fois pris en otage par le jeu des puissances régionales". "La population civile libanaise pourrait encore une fois payer le prix lourd si ces tensions israélo-iraniennes devaient déboucher sur une guerre régionale", analyse-t-il.

Un risque de fuite en avant de la part d'Israël

Karim Émile Bitar craint qu'une "réaction de l'axe irano-syrien, de l'Iran et du Hezbollah ne [fasse] plus de doute", après les assassinats du chef du Hamas et du chef militaire du Hezbollah libanais. "Il y a un risque que les choses dérapent", insiste-t-il. Le professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth explique que si une riposte de l'Iran et de ses alliés "devait faire des victimes en Israël, il y a de vrais risques qu'Israël se lance dans une fuite en avant et saisisse l'occasion pour régler son compte ou tenter de régler son compte aux milices pro-iraniennes dans la région".

Face à ce risque d'escalade militaire, pour Karim Émile Bitar, "les États-Unis sont le seul pays capable d'inciter Israël à la retenue, en imposant une conditionnalité à l'aide américaine". Or, "à deux mois des élections, on voit mal les États-Unis changer de politique", souligne-t-il. Ce spécialiste du Proche et Moyen-Orient affirme ainsi qu'il "est à craindre que Benjamin Nétanyahou ne profite de ce créneau pour se lancer dans une fuite en avant, pour assurer sa propre survie politique et changer les équilibres de forces géopolitiques avant que le successeur de Joe Biden ne soit connu".

Il rappelle par ailleurs que "le traumatisme en Israël" après les attaques du 7 octobre "demeure extrêmement fort", et ne permet pas aux "conseils des alliés des Israéliens comme l'Amérique et l'Europe" de se faire suffisamment entendre face "au jusqu'au-boutisme d'une grande partie du cabinet de guerre". "Paradoxalement, c'est l'establishment militaire, ceux qui savent qu'une guerre ne pourrait avoir que des conséquences contreproductives, qui sont en train d'essayer de refréner les ardeurs des jusqu'au-boutistes", ajoute-t-il.

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