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Syrie : après dix ans de guerre, la "génération perdue" des enfants privés d'école

En raison de la guerre, 13 millions de Syriens ont dû quitter leur logement depuis 2011. Beaucoup de familles vivent dans des camps, dans des conditions très précaires, privant de scolarisation des centaines de milliers d'enfants.

Article rédigé par Aurélien Colly - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des enfants syriens dans un camp de réfugiés à Mhammara, dans le nord du Liban, en mars 2019 (illustration). (IBRAHIM CHALHOUB / AFP)

"Je remplis du mazout. On nous ramène des bidons, je les nettoie et je les re-remplis. Bien sûr l’école c’est important, mais il faut qu'on travaille pour aider les parents", raconte Kuteiba, 15 ans, arrivé de Syrie en 2011. Comme des milliers d’autres enfants réfugiés au Liban, il travaille tous les jours.

La guerre en Syrie a débuté il y a dix ans maintenant, à la mi-mars 2011. Un conflit qui a entraîné le plus important déplacement de population de l'histoire récente. Sur les 23 millions d'habitants que comptait la Syrie en 2011, 13 millions sont déplacés, dont six millions réfugiés dans les pays voisins. Un tiers sont des enfants. En dépit des efforts de l'ONU et des ONG, une grande partie ne cette génération n’a pas accès à l’éducation. Au Liban, sur quelques 600 000 enfants syriens, plus de la moitié n’est pas scolarisée.

"Un terreau fertile pour toutes les déviances"

"Ces enfants syriens travaillent dans l'agriculture, l'industrie, la mécanique, ou dans la rue, ce sont les pires boulots. Mais beaucoup de famille dépendent de ça pour vivre", résume Leila Assi, de l'ONG Beyond, une organisation libanaise qui tente de rescolariser des centaines d’enfants syriens, en s’adaptant à leur réalité. Matin, midi ou soir; un, deux, trois jours; à l’école, à la maison ou par internet... Les cours sont adaptables à toutes les circonstances. Pour Kuteiba par exemple, la classe est après le travail. Son rêve, désormais, c'est de "continuer les études pour devenir docteur ou ingénieur".

"On ne cherche pas à les empêcher de travailler, mais à leur offrir une éducation quand ils peuvent, pour assurer au moins le minimum."

Leila Assi, de l'ONG Beyond

à franceinfo

Pour Noor, 8 ans, l’école en ce moment, c’est 15 minutes par jour, par internet, à cause de l'épidémie de Covid-19. "Mieux vaut être borgne qu’aveugle, mieux vaut leur offrir ça que de les laisser complètement coupés de l’éducation", souligne Malak, la maîtresse de Noor, elle aussi réfugiée syrienne. "Après dix ans de guerre en Syrie, malheureusement, chaque année est pire que la précédente", constate de son côté Leila Assi, de l'ONG Beyond. Elle déplore l’attitude des autorités libanaises, qui ont toujours refusé les camps de l'ONU et maintenus les réfugiés syriens dans la précarité, pour être sûrs qu’ils ne restent pas au Liban. "Je suis inquiet pour l’avenir", confie Turki, 50 ans, médiateur de l’ONG. "Dix ans de guerre en Syrie, c’est une génération entière perdue. C'est un terreau fertile pour toutes les déviances : drogue, criminalité ou extrémisme", met en garde cet ancien ingénieur, originaire de Raqqa.

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