"Les Iraniens veulent retravailler avec les entreprises françaises"
Les sociétés françaises souhaitent s'installer en Iran. Francetv info a demandé à Thierry Coville, spécialiste de l'Iran, quels sont les atouts de la France pour s'imposer sur le marché iranien.
Une page se tourne. Laurent Fabius s'est rendu en Iran, mercredi 29 juillet, pour renouer les liens avec Téhéran. Un déplacement express, mais crucial tant sur le plan diplomatique qu'économique. La levée des sanctions contre le régime, dans le cadre de l'accord sur le nucléaire, doit permettre aux entreprises françaises de s'implanter sur le marché iranien. L'enjeu est important. En 2004, les échanges commerciaux entre la France et l'Iran représentaient près de quatre milliards d'euros. Ils ne pesaient plus que 550 millions d'euros en 2013.
Avec son ouverture, l'Iran va très vite devenir une destination prisée par les investisseurs. Des compagnies du monde entier vont faire le déplacement à Téhéran pour négocier leur installation et décrocher des parts de marché. "La compétition sera rude, mais nos entreprises ont des atouts à faire valoir", assure le ministre des Affaires étrangères, dans une interview au Parisien.
Thierry Coville, spécialiste de l'Iran et chercheur associé à l'Iris, confirme que la France a de sérieux atouts pour s'offrir une place sur ce nouveau marché.
Francetv info : Laurent Fabius a rencontré le président iranien, Hassan Rohani, au cours de sa visite à Téhéran. Les relations s'apaisent entre les deux pays. Mais la France pourra-t-elle réinvestir le marché iranien ?
Thierry Coville : Beaucoup d'Iraniens veulent retravailler avec des entreprises françaises. Par exemple, les voitures Peugeot sont très appréciées en Iran. L'entreprise française a quitté le pays en 2012 et souhaite vraiment y retourner. Peugeot y vendait 450 000 véhicules par an en 2010 et en 2011. C'est un marché très important. Depuis un an, le constructeur automobile est en train de négocier pour voir dans quelles conditions il pourrait réinvestir le marché iranien. De son côté, Renault n'a pas quitté l'Iran et y fabrique même la version iranienne de la Logan.
L'objectif de la France est que les entreprises nationales soient très présentes sur le territoire iranien. Le secteur automobile et l'énergie ne sont pas les seuls concernés, il y a également l'aéronautique ou l'agroalimentaire. Les entreprises françaises pourraient aussi se positionner dans la construction d'aéroports ou de zones portuaires. Par ailleurs, la France est avantagée par sa position géographique, elle est assez proche de l'Iran.
Les acteurs privés s'activent en coulisses. De son côté, Laurent Fabius a transmis au président Rohani l'invitation de François Hollande à se rendre à Paris. La France use-t-elle de la bonne stratégie pour favoriser l'implantation d'entreprises en Iran ?
La diplomatie française est très habile. L'idée de la visite symbolique de Laurent Fabius en Iran est de repartir sur de nouvelles bases et de renouer le dialogue politique. Seuls les conservateurs iraniens les plus durs se sont opposés à la visite du ministre français des Affaires étrangères. Mais c'est une question de politique intérieure, la plupart des Iraniens souhaitent, eux aussi, remettre les compteurs à zéro avec la France.
Par ailleurs, le Medef a prévu de se rendre dans le pays pour que les entreprises françaises puissent réinvestir le marché iranien. Une visite de l'organisation patronale avait déjà eu lieu en 2014, mais elle avait été critiquée par les Etats-Unis à l'époque.
Le marché iranien s'ouvre au monde avec la levée des sanctions. Quels sont les principaux concurrents de la France ?
L’Allemagne est traditionnellement le pays qui a la plus grosse part de marché en Iran. Mais, plus globalement, c'est l'ensemble des pays européens qui veulent revenir dans le pays. Ils devront faire face à la concurrence des entreprises américaines qui souhaitent développer leur présence dans l'énergie ou le tourisme. Les décideurs iraniens vont pouvoir faire jouer la concurrence. Les entreprises étrangères qui gagneront des marchés dans le pays seront surtout sélectionnées à partir de critères commerciaux et non politiques.
Leur volonté n'est pas simplement d'acheter des produits aux entreprises étrangères, ils veulent aussi développer les transferts de technologie pour que leur production nationale en tire un bénéfice. Cette ouverture doit aussi permettre à l'Iran de diversifier ses activités économiques pour être moins dépendant du pétrole, qui représente la moitié de ses recettes budgétaires.
Les perspectives de développement économique semblent importantes. Que représente ce marché iranien en terme de chiffres ?
Le marché représente 80 millions d'habitants. L'Iran est un pays riche qui a rarement des problèmes de paiement. De nombreux projets voient le jour, notamment dans le domaine de la construction. Le pays vit aussi une sorte de boom de la nouvelle économie avec le développement de l'informatique. Le pays pourrait aussi se positionner sur le textile, à la manière de l'Inde. C'est un peu comme un marché émergent, finalement.
La croissance économique est actuellement très faible. En 2015, elle oscille entre 1 et 2%. Mais, avec la levée des sanctions, elle pourrait atteindre 4 à 5% en 2016. Le pays s'est largement modernisé ces dernières années. Le secteur privé pourrait aussi se développer avec cette ouverture. Ces transformations sont intéressantes pour le chiffre d'affaires des entreprises qui souhaitent s'y installer.
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