En visite historique en Iran, Fabius pris pour cible par les conservateurs
Ils reprochent au ministre des Affaires étrangères la position dure de la France dans les négociations sur le nucléaire, mais aussi le rôle de Laurent Fabius dans l'affaire du sang contaminé.
La visite est historique sur le plan diplomatique. Elle est aussi vivement critiquée par les milieux conservateurs iraniens. Laurent Fabius effectue, mercredi 29 juillet, un déplacement très attendu en Iran, deux semaines après l'accord sur le nucléaire conclu entre la communauté internationale et Téhéran.
Que reprochent-ils à Laurent Fabius ?
Les conservateurs iraniens critiquent la position dure de la France lors des négociations concernant le nucléaire ayant récemment abouti, ainsi que le soutien à Bagdad pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Dix députés iraniens (sur 290) ont ainsi demandé au ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que Laurent Fabius ne vienne pas à Téhéran, selon l'agence semi-officielle Isna.
De son côté, l'agence Fars, proche des conservateurs, cite un des anciens représentants du Guide suprême Ali Khamenei, au sein des Gardiens de la révolution, Mojtaba Zolnour, qui parle de Laurent Fabius comme d'un "ennemi venant dans notre pays". Il attaque le chef de la diplomatie française sur un tout autre dossier : celui du sang contaminé. L'ancien responsable note qu'il arrive "pendant la semaine du soutien aux hémophiles, ce qui nous rappelle nos chers compatriotes qui sont morts à cause de l'importation de sang contaminé dont le principal responsable est Fabius". Premier ministre au moment des faits, Laurent Fabius avait été innocenté en 1999 par la justice française.
Selon Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, ces attaques sont "une façon pour certains groupes iraniens de régler des comptes entre eux. Cela vient surtout des milieux les plus conservateurs, ce sont ceux qui ont le plus peur de l'accord" sur le nucléaire conclu à Vienne.
Qu'en pense le gouvernement iranien ?
Face à ces attaques, le gouvernement iranien a pris la défense du ministre français des Affaires étrangères. "Laurent Fabius est une personnalité internationale" et après l'accord sur le nucléaire, "il n'est pas dans l'intérêt du pays" de soulever la question du sang contaminé, a déclaré le ministre iranien de la Santé, Seyed Hassan Hashemi. Il a toutefois rappelé que l'Iran et la France avaient "une querelle juridique" sur cette question.
Sans parler de la visite de Laurent Fabius, le ministre iranien de l'Industrie, des mines et du commerce, Mohammad Reza Nematzadeh, a cependant tenu des propos fermes sur les constructeurs automobiles français qui ont quitté l'Iran – ou y ont réduit leur production – après les sanctions internationales qui ont frappé le pays en 2006. Ils doivent "payer pour le non-respect de leur engagement passé et nous ne sommes pas prêts à leur donner un feu-vert si facilement" pour une reprise de leurs activités en Iran, a-t-il martelé.
Que répond la France ?
Dans une tribune publiée mardi par le quotidien gouvernemental Iran, Laurent Fabius écrit qu'après l'accord nucléaire du 14 juillet, "la voie est (...) ouverte pour une relance de notre dialogue bilatéral".
"La France, puissance de sécurité et de paix, a toujours entretenu avec l'Iran des relations marquées par le respect et la franchise, y compris quand nous avons des différences d'approche, écrit le ministre des Affaires étrangères. C'est dans cet esprit que je me rends à Téhéran et que j'aborderai avec les dirigeants l'ensemble des sujets (...) en particulier les enjeux de paix et de sécurité au Moyen-Orient, région traversée par de multiples tensions." Selon lui, "face à ces crises et à ces tragédies, l'Iran, pays influent, peut jouer un rôle positif. L'accord que nous venons de conclure lui crée et nous crée des responsabilités particulières".
Prenant la défense de son ministre, François Hollande a prévenu : "Laurent Fabius, c'est la France. (...) La manière dont il sera accueilli sera, pour nous, une évaluation du comportement de l'Iran."
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