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Armes, espions, commandement... Quelle est la puissance de feu de l'Etat islamique ?

Une semaine cruciale s'ouvre à New York. Vladimir Poutine et Barack Obama vont tenter de s'entendre sur une action commune contre l'organisation Etat islamique. Mais, au fait, à quoi ressemble l'armée des jihadistes sur le terrain ? 

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un homme ayant rejoint une milice chiite passe devant un drapeau et des munitions de l'Etat islamique, dans la province de Salahuddin (Irak), le 15 mars 2015. (THAIER AL-SUDANI / REUTERS)

Visé par des frappes aériennes de la coalition emmenée par les Etats-Unis depuis un an, le groupe Etat islamique (EI) continue de gagner du terrain en Syrie et en Irak. "Califat" autoproclamé à cheval entre ces deux pays, l'EI tient tête militairement à de multiples acteurs : armées syrienne et irakienne régulières, insurgés syriens modérés, jihadistes du front Al-Nosra, combattants kurdes du PKK, milices chiites en Irak...

L'avancement du groupe Etat islamique, début septembre 2015. (FRANCETV INFO)

L'annonce des frappes françaises près de Deir Ezzor, solennellement confirmée par le président François Hollande dimanche 27 septembre à New York, intervient à la veille de l'ouverture officielle de l'Assemblée générale de l'ONU, où la Russie va tenter de sauver son allié syrien Bachar Al-Assad et proposer une coalition élargie contre les terroristes. Mais à quoi ressemble l'armée de l'Etat islamique sur le terrain ? Combien d'hommes, avec quels équipements et quelle organisation ? Eléments de réponse.

30 000 à 40 000 combattants, selon les Etats-Unis

Selon le renseignement américain, l'EI compte de 30 000 à 40 000 combattants dans ses rangs. Les frappes de la coalition entamées l'an dernier tuent en moyenne un millier d'entre eux chaque mois, selon Newsweek (en anglais). Des pertes comblées par un recrutement très efficace, notamment en dehors des frontières contrôlées par le groupe EI. Près de 30 000 étrangers ont ainsi rejoint l'organisation depuis 2011, selon les services secrets américains. 

Pour Myriam Benraad, chercheuse au Céri de Sciences Po et auteure de l'essai Irak, la revanche de l'histoire (Vendémiaire), le recrutement s'est accéléré depuis l'intervention de la coalition. "L'EI a profité de cette campagne pour renforcer son discours selon lequel les jihadistes luttent à la fois contre la tyrannie de Bachar Al-Assad et contre l'ingérence américaine, perçue comme néocoloniale", assure cette spécialiste de l'Irak contemporain.

Un camp d'entraînement du groupe Etat islamique à Tal Afar (Irak), sur une photo publiée, en avril 2015, sur un site internet jihadiste. (SIPA / AP)

Certes, le groupe a perdu des milliers d'hommes, mais il fait preuve d'une grande capacité à se régénérer. "Ce phénomène n'est pas nouveau, analyse Myriam Benraad. En 2007 et en 2008, les Américains avaient défait une partie de l'Etat islamique en Irak. L'entité s'était reconstituée à l'identique dès 2009."

Une guérilla mobile au commandement décentralisé

Les unités combattantes ne sont pas seulement constituées de soldats "amateurs". Quelques milliers de militaires professionnels, dont de nombreux Irakiens qui ont déserté l'armée régulière (mais aussi des Français, des Néerlandais...), structurent les bataillons. Ils constituent "l'élite", selon Myriam Benraad. Wassim Nasr, journaliste à France 24 spécialiste des mouvements jihadistes, précise que ces combattants "sont libres dans leurs décisions". "Il n'existe pas de commandement central, qui guide les troupes à distance. Ils suivent de grandes lignes stratégiques, et s'adaptent sur le terrain. Cette mobilité fait leur grande efficacité." 

Leur mot d'ordre : le pragmatisme. Au printemps, face aux bombes à vibration américaines qui pilonnent Tikrit, dans le nord de l'Irak, les jihadistes détalent rapidement pour aller s'attaquer à Baiji, un peu plus au nord, et tenter de s'emparer d'une raffinerie. "A Kobané, reprend Wassim Nasr, face aux Kurdes du PKK, les jihadistes étaient emmenés par un combattant kurde. Idem à Kirkouk, autre localité kurde. Ce pragmatisme tactique leur permet de s'adapter aux différentes situations." 

Un soldat irakien patrouille dans la province d'Anbar (Irak), le 22 juillet 2015. (REUTERS)

Raqqa (Syrie) et Mossoul (Irak) ont beau être les "capitales" de l'EI, le commandement reste décentralisé. Et la personnalisation du pouvoir, y compris militaire, est limitée, pour "éviter de prendre un coup au moral" en cas de perte, selon le journaliste de France 24. "Le jour où Abou Bakr Al-Baghdadi mourra, il sera vite remplacé." Une forme de détachement face à la mort, alimenté par la logique du martyr : quand ils ne s'inscrivent pas sur une liste pour être désignés comme kamikazes volontaires, les hommes meurent au combat en ayant le sentiment du devoir accompli.

Des armes en grand nombre, parfois sophistiquées

Pour l'heure, la coalition internationale restreint son action contre l'Etat islamique à l'aviation. Reconnaissance, frappes au sol... Une stratégie dont l'efficacité pose question, face à une guérilla désormais expérimentée, qui dispose de nombreux types d'armes. En Syrie, l'EI a mis la main sur des armes du régime, de fabrication russe ou soviétique. En Irak, ce sont les ressources fournies par les Etats-Unis à l'armée régulière qui ont été pillées. Au final, "l'EI a au moins trois ans d'autonomie en termes d'armement", d'après Wassim Nasr. 

Des combattants kurdes peshmergas combattent le groupe Etat islamique à Mossoul (Irak), le 17 août 2015. (SAFIN HAMED / AFP)

Lance-roquettes, missiles sol-air, mais aussi véhicules blindés et armes individuelles sophistiquées... La panoplie des jihadistes dépasse la simple kalachnikov, réputée pour sa simplicité d'utilisation. Un bilan d'étape de l'armée américaine faisait état, en janvier 2015 et donc cinq mois après le début des frappes, d'une soixantaine de tanks et d'environ deux cents Humvee détruits, et même d'une douzaine de bateaux mis en miettes par l'aviation de la coalition. "On peut légitimement se demander si une partie de l'industrie militaire ne profite pas du conflit, en livrant des armes aux jihadistes en cachette", glisse Myriam Benraad. 

L'information au cœur de leur stratégie

Malgré son ultra-violence, l'Etat islamique parvient à se maintenir dans les zones qu'il contrôle en s'appuyant sur les structures locales déjà existantes. Pour mener à bien cette stratégie, l'organisation peut compter sur son réseau d'espions, dont un jihadiste français de retour de Syrie a récemment livré quelques détails. "Le rôle de ces espions est primordial, précise Wassim Nasr. Cela permet à l'EI de transcender les clivages entre tribus ou clans, de se poser en alternative. Grâce à leur connaissance du terrain, ils savent où sont les brèches dans lesquelles ils peuvent s'imposer." 

Et, pour s'informer sur la stratégie de leurs adversaires, rien de tel que les médias. "Tout ce qui est dit publiquement est décortiqué", rappelle Wassim Nasr. Au point, parfois, de compromettre la coalition. Pour Myriam Benraad, l'Occident a commis plusieurs erreurs dans ce sens. Par exemple, quand le général américain John Allen, envoyé spécial du président Obama auprès de la Coalition internationale contre l'EI, qui vient de démissionner, a indiqué qu'il voulait se lier aux mouvances tribales pour trouver un relais sur place. "Les jihadistes ont anticipé ses actions en liquidant des centaines de chefs de tribu sunnites prêts à mobiliser les hommes." 

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