Cet article date de plus de sept ans.

Cinq questions sur la crise aux Philippines

Après de violents affrontements avec des groupes islamistes, le président Philippin Rodrigo Duterte a instauré la loi martiale dans le sud de l'archipel.

Article rédigé par franceinfo - Louise Hemmerlé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des soldats philippins, dans la ville de Pantar, mercredi 24 mai 2017. (ROMEO RANOCO / REUTERS)

Un chef de la police philippine a été décapité et plusieurs personnes, dont un prêtre, ont été prises en otage par des islamistes, mercredi 24 mai, dans le sud des Philippines. Rodrigo Duterte, le président de l'archipel, avait déjà instauré la veille la loi martiale sur l’île de Mindanao, dans le sud du pays, et a annoncé mercredi que ce régime d’exception pourrait être étendu à l’ensemble du pays. Franceinfo vous explique en cinq questions ce qu'il se passe aux Philippines.

Quelle est la situation sur place ?

Des combats entre les forces de l’ordre et les groupes islamistes ont éclaté mardi dans la localité de Marawi, sur l’île de Mindanao. Les affrontements ont fait suite à un raid des forces de sécurité contre une maison qu'elles soupçonnaient de servir de cache à Isnilon Hapilon, le chef autoproclamé de l'Etat islamique aux Philippines.

En réaction, une centaine de combattants armés ont incendié des bâtiments, selon le ministre de la Défense. Sur des photographies postées sur les réseaux sociaux, on peut également voir des hommes armés déambuler dans les rues de Marawi et y hisser des drapeaux noirs, semblables à ceux du groupe jihadiste.

Mercredi, l’Eglise catholique a annoncé que des combattants islamistes avaient aussi pris plusieurs personnes en otage, dont un prêtre, après avoir fait irruption dans une cathédrale de Marawi. Les combattants auraient menacé de tuer les prisonniers si les forces gouvernementales lancées contre eux n’étaient pas rappelées. Des milliers d'habitants de Marawi ont depuis pris la fuite, selon le média philippin Rappler (en anglais).

Qui sont les protagonistes de cette crise ?

La crise oppose l'armée philippine et des groupes armés ayant prêté allégeance à l'organisation Etat islamique. Il s'agit notamment de Maute, un groupe créé en 2013, et d'Abou Sayyaf, un groupe islamiste historique qui sévit depuis les années 1990 dans la région de Mindanao, où il a enlevé des centaines de Philippins ainsi que des étrangers contre des rançons, sans hésiter à exécuter certains otages, rapporte le New York Times.

Isnilon Hapilon, un des leaders d'Abou Sayyaf, s'efforce d'unifier tous les groupes philippins qui ont prêté allégeance à l'Etat islamique depuis juin 2016. L'EI en a fait son émir dans la région, selon l'Institut d'analyse politique du conflit de Jakarta. L'homme est considéré par les Etats-Unis comme l'un des terroristes les plus dangereux au monde ; sa tête est mise à prix à cinq millions de dollars.

Quelles sont les particularités de cette zone ?

Les cinq millions de musulmans philippins (sur une population proche de 100 millions) considèrent le sud du pays comme leur terre ancestrale depuis l'arrivée de marchands venus d'Arabie au 13e siècle. L’île de Mindanao est historiquement marquée par des violences avec des groupes issus de la minorité musulmane. Depuis les années 1970, la rébellion musulmane y réclame une région autonome ou indépendante. 

Les principaux groupes de la rébellion étaient parvenus à un accord avec le gouvernement en 2014, comme le détaille Le Monde, pour créer une région autonome et mettre ainsi fin à 40 ans d’une des plus longues et meurtrières guérillas d’Asie, faisant plus de 130 000 morts. Si cet accord n'a toujours pas été ratifié, les négociations avec le gouvernement se poursuivent. Mais Abou Sayyaf, Maute et d'autres groupes islamistes veulent eux voir établi un califat islamiste au nom de l'organisation Etat islamique.

Comment réagit le président Rodrigo Duterte ?

Le chef de l'Etat a promis d'appliquer la loi martiale avec sévérité, jusqu'à tracer des parallèles avec la loi martiale mise en place sous la dictature de Ferdinand Marcos. Resté 21 ans au pouvoir et accusé de violations de droits de l'homme, l'ancien dictateur est "un héros" pour Rodrigo Duterte. Le président philippin a aussi ajouté que la loi martiale pourrait durer un an sur l'île de Mindanao, alors que la Constitution limite sa durée maximale à 60 jours.

Les opposants au régime craignent que le président, déjà critiqué pour les milliers de morts provoqués par la guerre qu'il mène contre la drogue, ne s'empare du problème sécuritaire pour imposer une forme d'autoritarisme. "Notre expérience douloureuse de la loi martiale sous la dictature de Ferdinand Marcos doit servir à nous rappeler que, comme citoyens, nous devons rester vigilants", a réagi le président du parti libéral, Francis Pangilinan.

Quels sont les risques pour les touristes ?

Les Etats-Unis et d'autres pays occidentaux ont prévenu que des terroristes projetaient d’enlever des étrangers dans les sites touristiques de l’ouest et du centre de Mindanao, rallongeant ainsi la liste des mises en garde prévues pour les touristes se rendant sur l’archipel. Le ministère des Affaires étrangères français recommandait déjà aux ressortissants français de redoubler de prudence dans leurs déplacements aux Philippines, et leur déconseillent formellement de se rendre dans la région de Mindanao.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.