Syrie : trois questions sur les aides humanitaires fournies par l'ONU au régime de Bachar Al-Assad
Le journal britannique "The Guardian" affirme que l'ONU a conclu des contrats à hauteur de plusieurs dizaine de millions de dollars avec des proches du régime de Bachar Al-Assad, dans le cadre de programmes d'aide humanitaire.
Depuis 2011 et le début du conflit en Syrie, qui a causé plus de 290 000 morts, des centaines de contrats signés par l'ONU ont été passés au crible par le journal britannique The Guardian.
Dans un article paru le 30 août, le quotidien accuse l'ONU d'avoir octroyé des contrats de plusieurs dizaines de millions de dollars à des organisations ou à des personnes proches du président syrien Bachar Al-Assad, pour mener à bien sa mission humanitaire dans le pays. Franceinfo revient sur cette polémique qui éclabousse l'Organisation des Nations unies.
Pourquoi l'ONU est-elle mise en cause par l'enquête du "Guardian" ?
L'enquête du Guardian dénonce l'emprise du pouvoir syrien sur la répartition de l'aide humanitaire, au détriment de la population civile : les secours atteindraient ainsi "essentiellement les régions contrôlées par le gouvernement". Selon le journal britannique, "des ministères syriens et des œuvres caritatives ont reçu des sommes substantielles de l’ONU". Deux agences des Nations unies sont également partenaires, à hauteur de 8,5 millions de dollars de la Syria Trust Charity, une fondation dirigée par la femme du président, Asma Al-Assad.
L'Unicef aurait financé pour sa part la Al-Bustan Association, à hauteur de 268 000 dollars. Cette association caritative est contrôlée par Rami Makhlouf, le cousin germain de Bachar Al-Assad, soupçonné de corruption et frappé de sanctions par l'Union européenne. De son côté, toujours selon le Guardian, la Banque de sang nationale syrienne, contrôlée par le Département de la défense, aurait reçu cinq millions d'euros de la part de l'Organisation mondiale de la santé.
De plus, l'ONU aurait reversé plus de 13 millions de dollars au gouvernement syrien pour le développement de l'agriculture bien que l'Union européenne ait interdit le commerce avec les ministères concernés. La raison de cette interdiction : le manque de confiance dans le régime syrien et à la façon dont l'argent pourrait être dépensé.
Quelle est la réponse de l'ONU ?
A Genève, des porte-paroles de l'ONU ont indiqué, mardi, après les révélations du Guardian, que l'organisation travaille "avec toutes les parties du conflit", et qu'elle agit ainsi "dans toutes les crises".
Selon Jens Laerke, porte-parole de l'Ocha (agence de l'ONU pour les affaires humanitaires), si l'on n'accepte pas le fait que le gouvernement décide avec quelles ONG l'organisation internationale peut travailler, "les agences de l'ONU ne pourraient pas sauver autant de vies, comme elles le font actuellement en acheminant des aides" cruciales pour la population.
Quand il s'agit de choisir entre fournir des biens ou des services via des entreprises qui pourraient être affiliées au gouvernement ou laisser des civils sans l'aide vitale dont ils ont besoin, le choix est clair : notre devoir est d'aider les civils.
Quelle peuvent être les suites de cette enquête ?
Impossible à dire pour le moment. L'universitaire néerlandais Reinoud Leenders, à l'origine des recherches, plaide pour un rééquilibrage dans l'octroi des contrats humanitaires, en "urgence". "L’ONU s’est laissée enfermer dans un carcan dont elle a de plus en plus de peine à se défaire", explique-t-il au journal suisse Le Temps.
Et malgré les justifications des portes-paroles de l'ONU, un responsable a dévoilé toutefois que la situation a créé un certain embarras au sein de plusieurs agences onusiennes préoccupées par la main-mise du pouvoir syrien sur le fonctionnement de l'aide humanitaire.
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