Cet article date de plus de douze ans.

Pour préserver sa sécurité, Israël continue de s'emmurer

La construction d'une enceinte de protection entre l'Etat hébreu et la Cisjordanie va reprendre, et d'autres chantiers sont en cours, en bordure du Liban et de l'Egypte. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des Palestiniens jettent des pierres en direction de soldats israéliens, lors d'une manifestation contre la construction du mur de séparation dans le village de Nilin, le 1er juin 2012.  (ABBAS MOMANI / AFP)

Le ballet des engins de chantier va reprendre. Dix ans après le début de sa construction et après cinq années de pause due à des "problèmes budgétaires", les travaux du mur séparant Israël de la Cisjordanie vont entrer dans une nouvelle phase, a annoncé jeudi 5 juillet la radio publique israélienne. Quatre cents des quelque 760 km de cette barrière grillagée et bétonnée ont déjà été érigés, en respectant à 90% le tracé de la Ligne verte, établie en 1967. Mais ce n'est pas la seule barrière prévue dans le pays.

En avril, les Israéliens ont débuté les travaux pour ériger un mur d'un kilomètre de long et de six mètres de haut à la frontière avec le Liban. Fin octobre, 240 km de barbelés hauts de cinq mètres, et sans point de passage, devraient aussi être achevés le long de la frontière avec le Sinaï égyptien. Si l'on ajoute à cela la clôture scellant la bande de Gaza, une muraille métallique placée le long du plateau du Golan en Syrie et le projet d'une barrière avec la Jordanie, c'est tout l'Etat hébreu qui se trouve barricadé (voir cette carte réalisée par le Guardian). 

Des barbelés pour la sécurité 

"Nous sommes une villa au cœur de la jungle." Cette formule célèbre du ministre de la Défense israélienne, Ehoud Barak, résume et justifie la fermeture de l'Etat hébreu. Depuis dix ans, Israël multiplie donc la construction de "barrières de sécurité" pour se protéger d'agressions potentielles. Le mur israélo-palestinien a ainsi été décidé en 2002, alors que la deuxième Intifada faisait rage, pour parer la recrudescence d'attaques.

La sécurité a aussi été évoquée pour justifier l'érection d'un mur à la frontière du Liban. Pour l'armée israélienne, cette cloison doit protéger la localité israélienne de Metoula contre les tirs provenant du village libanais de Kfar Kila. Une explication qui ne convainc pas les Libanais. "Il n'y a pas eu un incident ou un tir depuis la guerre de 2006", affirme ainsi l'un des maires de la commune à France 24.

Le mur d'un kilomètre, dont la construction a commencé en avril 2012, sépare notamment Israël du village libanais de Kfar Kila, qui surplombe les blocs de béton.  (ALI HASHISHO / REUTERS)

Quant à la barrière placée sur la frontière avec l'Egypte, un pays en paix avec Israël depuis les accords de Camp David, en 1978, elle devait au départ empêcher le passage de clandestins. En effet, 16 000 immigrés illégaux  auraient franchi la frontière en 2011, affirme le lieutenant-colonel Yoav Tilan dans le Guardian (lien en anglais). Mais aujourd'hui, la clôture vise surtout à contrôler les trafics en tout genre et à éviter les attaques terroristes. "Pour le gouvernement israélien, le Sinaï est tout simplement devenu l’arrière-cour des groupes armés de Gaza", explique une journaliste de France Inter

Une efficacité à nuancer

La construction du mur entre Israël et la Cisjordanie a-t-il eu l'effet escompté ? Comme l'affirme le correspondant de France Inter à Jérusalem, citant des chiffres de l'armée israélienne, le nombre d'attaques terroristes a effectivement baissé de 30% entre 2002 et 2003. Il est quasi-nul aujourd'hui (écouter à partir de 29'30).

Mais ce succès reste toutefois à relativiser, selon l'anthropologue Cédric Parizot, auteur d'un rapport sur ce mur pour l'Institut français des relations internationales (Ifri). Cité par le blog Guerre ou Paix du Monde.fr, il impute la baisse des attaques "au retour massif de l'armée dans les territoires palestiniens (...), à la multiplication des check-points" et à l'action des services de renseignement.

Même sentiment de la part du militant pacifiste israélien Michel Warschawski, interrogé par France Inter. "Cela rend bien sûr difficile la possibilité de faire passer des explosifs et des armes. Mais il n'y a pas de mur hermétique", explique-t-il, en rappelant que le Hamas "a déclaré une trêve unilatérale un peu avant la construction. Est-ce que c'est le mur, est-ce que c'est la trêve ? On ne le saura que lorsqu'une des deux composantes changera."

Une "Sparte moderne"

Dans un avis daté du 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice juge illégale la construction du mur israélo-palestinien et exige son démantèlement. Selon elle, le tracé suivi par l'Etat hébreu viole les droits internationaux, en empiétant sur 10% des territoires palestiniens. 

C'est aussi ce que dit Amnesty International dans son rapport 2012. L'ONG critique notamment la barrière et le blocus en vigueur dans la bande de Gaza. Selon elle, la situation étouffe "l’économie locale et [prolonge] une crise humanitaire délibérée dont les conséquences les plus tragiques [sont] ressenties par les personnes les plus vulnérables, à savoir les enfants, les personnes âgées et celles qui [ont] besoin de traitements médicaux spécialisés".

Décriées par les instances internationales et les ONG, les multiples murs sont aussi critiqués par certains Israéliens, qui dénoncent la stratégie d'enfermement de leur pays.

Des gardes-frontières israéliens supervisent la construction de la barrière métallique dans le Sinaï, à la frontière avec l'Egypte, le 15 février 2012.  (AHMAD GHARABLI / AFP)

Parmi eux, les journalistes du Yedioth Ahronoth, le quotidien le plus vendu dans le pays. Un de ses célèbres éditorialistes a récemment qualifié Israël de "nation qui s'emprisonne derrière des clôtures, qui se blottit de terreur derrière des boucliers". Ce n'est pas la première fois que le Yedioth Ahronoth se montre critique. En 2010, un de ses journalistes dénonçait le projet de mur israëlo-égyptien et regrettait déjà "la construction d'une Sparte moderne, alors que nous voulions tellement devenir Athènes…"

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.