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Le Yémen au bord de l’effondrement

En pleine transition politique depuis le soulèvement qui a mis fin aux 33 ans de règne d'Ali Abdallah Saleh, le pays meurtri par les violences, guetté par une crise alimentaire est de plus menacé par Al-Qaïda, dont les combattants tiennent plusieurs villes du sud depuis près d'un an. Le 21 mai, un attentat suicide, revendiqué par Al Qaïda, a fait 96 morts parmi les soldats à Sanaa, la capitale.
Article rédigé par Jean Serjanian
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Pour près de la moitié des 22 millions de Yéménites, manger est devenu un luxe (AFP PHOTO / MOHAMMED HUWAIS)

Le Yémen, dont les difficultés ont été aggravées par le soulèvement populaire contre l'ex-président Ali Abdallah Saleh, se trouve au bord de l'effondrement économique.

Crise alimentaire et aides internationales
Sept organisations d'aide internationales, dont Oxfam, CARE et Save the Children, ont averti que le pays était au bord d'une «crise alimentaire catastrophique» et demandé à la communauté internationale «d'intensifier les efforts» en faveur de ce pays. Elles soulignent qu'au moins 10 millions de personnes, soit environ 44 % de la population, «n'ont pas assez à manger», ajoutant qu'un enfant sur trois souffre de «malnutrition sévère».

Jerry Farrell, directeur pour le Yémen de Save the Children, prévient : «si une action humanitaire urgente n'est pas prise, le Yémen sera plongé dans une crise de la faim aux proportions catastrophiques».

Penny Lawrence, directrice internationale d'Oxfam, qui se trouve au Yémen, précise que «le quart des Yéménites s'est endetté en tentant de nourrir leurs familles». «Les mères font sortir leurs enfants de l'école et les mettent à mendier dans les rues pour survivre», ajoute-t-elle, prévenant que faute d'une «réponse adéquate aux besoins humanitaires», «de nouvelles vies seront en danger et la transition politique dans le pays pourrait être compromise».

L'instabilité exacerbe la crise, souligne l’organisation Oxfram qui indique dans un rapport qu’au cours des seuls deux derniers mois, les violences dans le nord et le sud ont poussé plus de 95.000 personnes à fuir leurs foyers, portant le nombre total de déplacés à l'intérieur du pays à plus d'un demi-million.

Face à une telle situation, le groupe des «Amis du Yémen», constitué d’une trentaine de pays et d’organisations internationales, dont les monarchies du Golfe et les principales puissances occidentales, se sont engagés à verser une aide de plus de quatre milliards de dollars à Sanaa. La plus grande part (3,25 milliards de dollars) sera prise en charge par l’Arabie Saoudite, premier exportateur de pétrole au monde.

La conférence des pays donateurs «Amis du Yémen» le 23 mai 2012 à Riyad. (AFP PHOTO / FAYEZ Nureldine)

Le Yémen déterminé à éradiquer Al Qaïda
Devant les pays membres du groupe des «Amis du Yémen», réunis le 23 mai à Ryad en Arabie Saoudite trois mois après le départ du président Ali Abdallah Saleh, le Premier ministre yéménite Mohamed Basindawa a affirmé que son gouvernement était conscient que le développement économique ne serait pas possible sans le rétablissement de la sécurité.

Sur ce plan, le pays reste confronté à la menace d’Al Qaïda dans la Péninsule Arabique (Aqpa) qui a pris pied et renforcé sa présence dans le sud et l’est du pays à la faveur du chaos provoqué par le soulèvement contre Saleh qui a affaibli le pouvoir central. Ce soulèvement a fait plusieurs milliers de morts.

Les opérations contre les islamistes dans le sud du pays ont repris, mais l’armée peine à déloger Al Qaïda de ses bastions en dépit d’une offensive d’envergure lancée le 12 mai pour reprendre Jaar et Zinjibar, capitale de la province d'Abyane.

Al-Qaïda a riposté en frappant avec force, le 21 mai, à Sanaa où l'un de ses kamikazes a commis un attentat suicide lors de la répétition d'une parade militaire, faisant une centaine de morts parmi les soldats et quelque 300 blessés.


AFP, le 21 mai 2012

La présence d'Al-Qaïda et des extrémistes au Yémen inquiète profondément ses voisins comme l'Arabie saoudite et les pays occidentaux, Etats-Unis en tête.

C’est précisément au Yémen, que le chef-artificier d'Aqpa, le Saoudien Ibrahim Hassan al-Asirt a développé des engins explosifs chimiques, sans aucune pièce métallique, capables de passer les détecteurs installés dans les aéroports.

Exode de population dans le sud

Un groupe de réfugiés de la province d'Abyane rassemblés dans une école (AFP PHOTO / MOHAMMED HUWAIS)

Quand les partisans d'Al-Qaïda ont déferlé il y a un an sur la province d'Abyane, ils ont jeté sur les routes des milliers de civils cherchant à se mettre à l'abri des violences. Les organisations internationales, sans fonds et sans personnels suffisants, ont du mal à répondre aux besoins des déplacés partis sans rien emporter.

Quelque 160.000 personnes vivent aujourd'hui dans des conditions difficiles, selon des statistiques des Nations Unies. Elles ont peu d'espoir de regagner vite leurs demeures avec la nouvelle offensive de l'armée contre Al-Qaïda.

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