Cet article date de plus d'onze ans.
Le Yémen rattrapé par les tensions entre chiites et sunnites
Des dizaines de personnes ont été tuées ou blessées dans un attentat le 7 janvier 2015 à Sanaa, la capitale du Yémen, après une attaque anti-chiite (4 morts) le 1er janvier au sud de Sanaa. Dans la capitale, fondamentalistes sunnites et rebelles chiites zaïdites se livrent une guerre ouverte pour le contrôle des mosquées.
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(Article déjà publié une première fois le 22-7-2013)
Jusqu'à présent, le conflit restait confiné à la province de Saada, au nord du pays. Là, les partisans du mouvement chiite Ansarullah, accusé par ses détracteurs d'être instrumentalisé par l'Iran, et les salafistes du parti al-Islah (sunnites) s'affrontaient sporadiquement.
Avec le jeûne du ramadan, commencé le 10 juillet, les tensions communautaires se sont étendues vers la capitale Sanaa. Des salafistes ont tenté de prendre par la force le contrôle d'une mosquée dirigée par un imam zaïdite. Une riposte, selon eux, à une tentative similaire menée par des partisans d'Ansarullah dans une autre mosquée.
Les autorités ont calmé les esprits et obtenu des deux camps «un engagement à ne pas user de la force pour imposer leurs propres rites dans les mosquées». Selon Sanaa, il n'y a pas «au Yémen de mosquées réservées aux zaïdites et d'autres aux sunnites. Les gens cohabitent et prient ensemble depuis des siècles, mais la polarisation politique risque de les diviser.»
Jusqu'à présent, le conflit restait confiné à la province de Saada, au nord du pays. Là, les partisans du mouvement chiite Ansarullah, accusé par ses détracteurs d'être instrumentalisé par l'Iran, et les salafistes du parti al-Islah (sunnites) s'affrontaient sporadiquement.
Avec le jeûne du ramadan, commencé le 10 juillet, les tensions communautaires se sont étendues vers la capitale Sanaa. Des salafistes ont tenté de prendre par la force le contrôle d'une mosquée dirigée par un imam zaïdite. Une riposte, selon eux, à une tentative similaire menée par des partisans d'Ansarullah dans une autre mosquée.
Les autorités ont calmé les esprits et obtenu des deux camps «un engagement à ne pas user de la force pour imposer leurs propres rites dans les mosquées». Selon Sanaa, il n'y a pas «au Yémen de mosquées réservées aux zaïdites et d'autres aux sunnites. Les gens cohabitent et prient ensemble depuis des siècles, mais la polarisation politique risque de les diviser.»
Les houthis se plaignent d'ostracisme
Les zaïdites sont issus d'une branche du chiisme et sont surtout présents dans le nord du pays. Les sunnites, prédominants à l'échelle nationale, représentent au moins 55% de la population, estimée à 25 millions de personnes.
Les rebelles zaïdites, appelés houthis en référence à leur chef Abdel Malek al-Houthi, s'étaient soulevés en 2004 contre le pouvoir de l'ex-président Ali Abdallah Saleh (lui-même zaïdite), se plaignant de marginalisation. Les combats avec l'armée avaient alors fait des milliers de morts avant un cessez-le-feu signé en février 2010.
Leur frustration s'est accentuée avec l'arrivée au pouvoir en février 2012, pour la première fois dans l'histoire du Yémen, d'un président sunnite, Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier a succédé à M.Saleh, qui a quitté la tête de l'Etat après 32 ans au pouvoir sous la pression de la rue, dans le cadre du Printemps arabe.
Des analyses divergentes selon les camps
Les zaïdites, qui participent aux réflexions préalables à une nouvelle Constitution, cherchent, selon un participant aux négociations, «à appuyer leur rôle politique grandissant par une présence plus forte dans les mosquées».
Abdelkarim Jadhbane, le délégué chiite d'Ansarullah au dialogue national, estime, lui, qu'al-Islaha – émanation des Frères musulmans et de ses alliés salafistes proches de l'Arabie saoudite – est responsable de la tension confessionnelle. Selon lui, «les Frères musulmans et les salafistes veulent placer toutes les mosquées sous leur contrôle», y compris à Saada, au nord-ouest, «où ils disposent de leurs propres lieux de culte».
Quant à Mohamed Chibbiba, un délégué salafiste, il dénonce une instrumentalisation des rebelles houthis par l'Iran et souligne qu'ils viennent de prendre l'appellation Ansarullah sur le modèle du Hezbollah chiite libanais. «Le Hezbollah existe au Yémen. Il prend le nom d'Ansarullah, il est soutenu par l'Iran qui cherche à imposer son hégémonie au pays.»
Une coexistance pacifique qui vole en éclats
Pour l'analyste Fares al-Saqqaf, «les zaïdites et les sunnites ont coexisté pacifiquement pendant des siècles, mais le danger réside dans l'apparition d'un chiisme politique sur le modèle iranien, ce qui est inacceptable pour le peuple yéménite».
L'Iran chiite est soupçonné d'attiser les tensions confessionnelles pour étendre son influence régionale au Yémen mais aussi en Irak, au Liban, en Syrie, à Bahreïn ou encore dans l'est de l'Arabie saoudite, où se concentre la minorité chiite du royaume. De leur côté, les Saoudiens, notamment, utilisent l'opposition millénaire chiites-sunnites pour durcir ses positions anti-chiites.
De quoi déstabiliser un peu plus le Yémen, déjà affaibli par les opérations menées par al-Qaïda dans la Péninsule arabique dans l'est et le sud du pays.
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