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Parlementaires français en Syrie : "Dialoguer avec Bachar Al-Assad ne signifie pas le soutenir"

Le vice-président du groupe d’amitié France-Syrie à l’Assemblée nationale Jérôme Lambert explique à francetv info les raisons de la rencontre de quatre députés et sénateurs français avec le président syrien.

Article rédigé par Vincent Daniel - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président syrien, Bachar Al-Assad, à Damas (Syrie), le 15 janvier 2015. (SANA / AFP)

Ils veulent ouvrir une brèche diplomatique et trancher avec la ligne adoptée depuis mars 2012 par la France, qui refuse tout contact avec le régime de Damas. Quatre parlementaires français sont en "mission personnelle" en Syrie, où ils se sont entretenus, mercredi 25 février, avec Bachar Al-Assad. 

"Nous l'avons rencontré pendant une bonne heure. Ça s’est très bien passé", indique à l'AFP le député UMP des Yvelines Jacques Myard, tout en refusant de préciser la teneur des échanges. "Nous ferons rapport à qui de droit", dit-il. Les quatre parlementaires à avoir effectué ce déplacement sont, outre Jacques Myard, Gérard Bapt, député PS de Haute-Garonne et président du groupe d’amitié France-Syrie à l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Vial, sénateur UMP de Haute-Savoie et président du groupe France-Syrie au Sénat, et François Zocchetto, sénateur UDI de la Mayenne et membre du groupe France-Syrie au Sénat. 

Jérôme Lambert, député socialiste et vice-président du groupe d’amitié France-Syrie à l’Assemblée, devait lui aussi faire partie du voyage. Pour des raisons d'organisation personnelle, il ne s'est finalement pas rendu en Syrie. Il explique à francetv info le sens de la démarche des parlementaires.

Francetv info : Pourquoi se rendre en Syrie aujourd'hui ?

Jérôme Lambert : La mission a été décidée très récemment, il y a huit à dix jours. Son but est simple : il s'agit de se rendre sur place pour renouer les fils du dialogue, tout simplement. Et je me réjouis que mes collègues y soient allés. 

En rencontrant le président syrien, vous allez à l'encontre de la ligne diplomatique française, qui refuse de dialoguer avec celui qu'elle considère comme un dictateur...

C'est le point de vue du Quai d'Orsay. Mais il peut y avoir, dieu merci, des parlementaires qui ne partagent pas ce point de vue. Il faut regarder la situation telle qu'elle est aujourd'hui en Syrie. Vous avez d'un côté les terroristes de Daesh [groupe État islamique], de l'autre l'Armée syrienne libre [opposition au régime syrien], vous avez aussi les Kurdes, et Bachar Al-Assad... Tout cela donne une situation très compliquée. Si l'on veut la paix un jour, il faut discuter. Discuter ne signifie pas exclure d'emblée untel ou untel. Et, dialoguer ne signifie pas soutenir Bachar Al-Assad non plus.

Ne craignez-vous pas d'absoudre un dirigeant à qui la communauté internationale reproche des crimes de masse et des atteintes répétées au droit de l'homme ?

C'est un fait, on les lui reproche. Dans ce conflit, comme dans la plupart des conflits, on peut reprocher ces pratiques à toutes les parties belligérantes. Des massacres de masse, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre sont propres à la guerre. Tout phénomène de guerre est un phénomène affreux qui entraîne des exactions. Cela ne veut pas dire qu'il faut pardonner. Pour autant, refuser de faire la paix avec des gens avec lesquels on est en guerre, cela signifie continuer de faire la guerre. Nous ne sommes pas, nous, en guerre contre le régime de Bachar Al-Assad, on voudrait rechercher les conditions de la paix, que la France puisse jouer un rôle dans le dialogue. Il faudra bien discuter à un moment ou un autre !

Et, personnellement, je ne veux pas discuter avec les terroristes de Daesh. Il y a un pouvoir légalement reconnu en Syrie, le régime - décrié - de Bachar Al-Assad gouverne le pays. Donc, sans le soutenir, il y a une nécessité de dialoguer avec lui pour trouver des modalités de sortie de cette guerre. 

Est-ce l'émergence d'une diplomatie parallèle sur la question syrienne ?

Il n'y a pas de diplomatie parallèle. La diplomatie de la France restera la diplomatie de la France. Ce ne sont pas quatre parlementaires qui vont se substituer à la diplomatie française. Mais on peut être des passeurs de messages. Mes collègues vont revenir et pouvoir rapporter ce que Bachar Al-Assad a pu leur dire, et cela sera intéressant. 

On voit que la position de la France, et celle de quelques autres depuis ces dernières années, ne sert pas à grand-chose, et n'aboutit pas à un règlement du conflit. Il faut bien trouver une autre porte si l'on veut dégeler la situation. Sauf à se contenter de regarder, de compter les morts... On en a 200 000, quand il y en aura 500 000, on agira peut-être.

Il ne faut pas oublier que nous avons eu d'excellentes relations avec Bachar Al-Assad, qui est devenu un dictateur il y a trois ans aux yeux du monde. Il devait l'être avant. Nous faisions pourtant de la coopération administrative avec son régime. Ce qui ne veut pas dire que la position française doit être le maintien au pouvoir du président syrien coûte que coûte. Pour moi, il faut trouver les conditions d'un règlement qui doit passer par un départ de Bachar Al-Assad. Ce qui n'est pas nécessairement la position de tout le monde au sein du groupe d'amitié France-Syrie. Mais pour cela, il faut forcément dialoguer et négocier.

Auprès de qui les quatre élus vont-ils rendre compte de l'échange qu'ils ont eu avec le dirigeant ?

Ils en rendront compte auprès des médias. Tout le monde sera au courant, il n'y a pas de diplomatie secrète. Je ne pense pas qu'ils garderont pour eux ou pour le Quai d'Orsay des informations. Cette démarche est ouverte, transparente, assumée. Peut-être qu'ils réserveront leurs premières déclarations à Laurent Fabius, mais la diplomatie française a tous les moyens de savoir les choses. On ne nous attend pas pour savoir ce qu'est la pensée de Bachar Al-Assad.

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