Présidentielle en Syrie : soutenu par la Russie et l'Iran, Bachar al-Assad "a été remis en selle pour 20 ans", estime un spécialiste
Bachar al-Assad sera sans surprise le grand vainqueur de la présidentielle syrienne de ce mercredi, affirme le maître de conférences à l'université Lyon 2 Fabrice Balanche.
Les Syriens votent ce mercredi 26 mai dans les régions sous contrôle de Damas pour une élection présidentielle sans suspense. Cette élection doit offrir un quatrième mandat de sept ans à Bachar al-Assad, mais elle est condamnée par les Occidentaux.
Cette présidentielle "est un véritable camouflet pour l'ONU et pour les Occidentaux", a affirmé mercredi sur franceinfo Fabrice Balanche, maître de conférences à l’Université Lyon 2, spécialiste de la géographie politique de la Syrie, du Liban et du Proche-Orient en général. Fabrice Balanche souligne par ailleurs que Bachar al-Assad reste tout de même "sous tutelle" des Russes et des Iraniens. "S'il n'y a pas de changements géopolitiques majeurs dans ces deux pays, on peut dire qu'il a été remis en selle pour 20 ans", estime-t-il.
franceinfo : Malgré les deux candidats qui se présentent face à Bachar al-Assad, est-ce que ce n'est pas un simulacre d'élection ?
Fabrice Balanche : Bien sûr, les deux candidats n'ont aucune chance de percer. Ils sont juste là pour donner une légitimité à une élection soi-disant pluraliste. Bachar el-Assad montre, en tenant ces élections, que le processus de paix de Genève, il n'en a absolument rien à faire. Et la Russie montre qu'elle n'en a rien à faire non plus puisqu'elle cautionne ces élections. Et ça, c'est un véritable camouflet pour l'ONU et pour les Occidentaux.
"Ne pas voter à ces élections présidentielles, c'est se dévoiler comme opposant."
Fabrice Balancheà franceinfo
Le président syrien cultive de plus en plus le culte de la personnalité ?
Ce culte de la personnalité, il existait déjà avant la guerre. Il existait du temps de son père. Sauf que là, ces élections de 2021 prennent un ton vraiment "culte de la personnalité" très poussé. Parce qu'en même temps, Assad montre qu'il est le chef victorieux qui est venu à bout de la rébellion et de ce qu'il appelle l'ingérence étrangère. C'est une manière aussi pour lui de célébrer sa victoire sur l'opposition syrienne.
Bachar al-Assad a affirmé que le peuple syrien était uni. L'est-il vraiment ?
Le peuple syrien est loin d'être uni. La Syrie est divisée. Vous avez le régime qui contrôle deux tiers du territoire, les Kurdes un quart, et les jihadistes la région d'Idleb. Il n'a pas l'unité du pays derrière lui. Et même au sein du territoire qu'il contrôle, vous avez des différences. Beaucoup de gens, de toute façon, vont voter par obligation. Parce que ne pas voter à ces élections présidentielles, c'est se dévoiler comme opposant. Personne ne veut prendre ce risque, évidemment.
Il n'y a plus de place pour la révolte aujourd'hui en Syrie ?
Aujourd'hui, après sept millions de personnes qui ont été expulsées, près de 400 000 morts, des dizaines de milliers d'arrestations, on a toute une génération de militants, d'opposants, qui a été anéantie ou expulsée. Donc il faudra attendre sans doute une nouvelle génération pour voir une alternative se dessiner. Assad est soutenu par les Russes, par les Iraniens. S'il n'y a pas de changements géopolitiques majeurs dans ces deux pays, on peut dire qu'il a été remis en selle pour 20 ans. Il y a quand même des chicanes. Ces chicanes, ce sont celles qu'installent les Russes et les Iraniens, qui contrôlent quand même les frontières du pays, qui contrôlent l'économie du pays. Sans l'appui militaire russe et iranien, sans doute que le régime serait tombé en 2016. Donc, il est quand même sous tutelle. Il n'a pas vraiment un boulevard devant lui.
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