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La mort de Margaret Thatcher : qu’en pense la presse britannique?

La presse quotidienne britannique du 9 avril rend un hommage pluriel et controversé à la «Dame de fer». A l’image de la trace laissée par Margaret Thatcher dans la mémoire collective.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Margaret Thatcher, au congrès du Parti conservateur britannique le 9 octobre 1997. (Reuters)

C’est encore The Sun, journal (fleuron ?) de l’empire Murdoch, l’un des tabloïds les plus vendus au monde avec ses titres sensationnels et ses pin-ups dénudées, qui rend à «the Iron Lady» l’hommage le plus lapidaire : «Maggie (diminutif de Margaret) meurt dans son lit au Ritz». Avec ce chapeau : «L’ex-Première ministre, âgée de 87 ans, a succombé à un accident cardiaque à 11h28 alors qu’elle était en train de lire dans une suite où elle était installée depuis Noël. Un ami proche a expliqué que c’était une belle façon de mourir.»

L’autre grand tabloïd, The Daily Mail, se souvient de «La femme qui a sauvé la Grande-Bretagne». Le quotidien exprime sa ligne conservatrice (au sens anglais du terme) en évoquant «le cœur de haine qui s’exprime à gauche : le champagne coule dans les rues, le syndicat des étudiants applaudit et l’on assiste à un flot de méchantes railleries sur internet». Au-dessous, la photo d’un jeune en train de boire à la bouteille tout en tenant une page d’un journal avec une grande photo de Thatcher…
 
The Daily Telegraph, autre journal conservateur, mais plus modéré (il est si proche de la haute hiérarchie Tory qu’on l’appelle souvent Torygraph), évoque une «championne de la liberté pour les travailleurs, les nations et le monde». Il s’efforce de prendre de la distance par rapport au personnage. Il propose ainsi à ses lecteurs un article du député… conservateur Michael Forsyth expliquant sobrement : «Margaret Thatcher : elle n’a jamais cessé de servir son pays». Autre commentaire : celui de la journaliste et éditorialiste Allison Pearson pour qui Maggie «n’était pas normale, comme ne l’étaient pas non plus ses réalisations. Elle a sacrifié sa vie de famille et a fait le boulot qu’elle avait à faire».

Quotidien de centre-gauche, The Guardian reste plus critique par rapport au bilan de la «Dame de fer» et évoque «les hommages adressés» à «la première femme élue pour diriger un pays occidental important ; le Premier ministre britannique, qui est resté le plus longtemps au pouvoir en 150 ans, le leader le plus puissant et le plus clivant de la politique britannique au cours de la seconde moitié du XXe siècle». L’éditorialiste Anne Perkins évoque «un phénomène politique», «Première chef de gouvernement femme de la Grande-Bretagne dont les trois mandats ont cassé le modèle politique de l’après-guerre». «Les années Thatcher ont été un tournant. Après elle, les idéaux d’effort collectif, de plein emploi et d’économie dirigée, tous ternis par les crises récurrentes des années 70, ont été discrédités dans l’imagination populaire», poursuit l’article.

Haïr Maggie est «futile»
Et qu’en pense un quotidien comme The Independant, l’un des grands titres de la presse britannique de qualité, aujourd’hui propriété d’un businessman russe ? The Independant dont Courrier International explique que pendant l’ère Thatcher, son équipe «a fait le pari de sortir un quotidien qui ne soit affilié ni aux conservateurs ni aux travaillistes». Le juste milieu en quelque sorte… Le jugement ressemble à celui du Guardian : «La dirigeante politique la plus clivante de l’époque moderne». «Aucun Premier ministre de l’après-guerre n’a été autant admiré, ou autant injurié», constate-t-il. Un leader qui a laissé sa marque: «Le ‘‘thatchérisme’’ est resté en lice alors que celle qui lui a donné son nom était une veuve âgée, fragile et solitaire».
 
Le journaliste Andreas Whittam Smith évoque «‘‘une héroïne et une figure détestée’’ - pour le meilleur et pour le pire, (…) qui a remodelé notre nation». Tandis que l’éditorialiste de gauche Owen Jones, explique, de manière un tantinet provocante: «Non, tous les socialistes ne veulent pas danser sur la tombe de Margaret Thatcher». A ses yeux, «Si la haine de Thatcher est compréhensible, elle est futile». Cela sert de «substitut macabre pour l’incapacité d’avoir défait le tchatchérisme», qui «reste plus fort que jamais». Et de conclure : «Il sera intéressant de faire une célébration quand» cette philosophie politique «sera enfin purgé de ce pays»

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