Royaume-Uni : pourquoi le pays se retrouve dans la tourmente économique et financière
Au pouvoir depuis un mois, la Première ministre Liz Truss peine à convaincre les marchés financiers et le Fonds monétaire international, qui tire la sonnette d'alarme.
La crainte s'installe outre-Manche. La Première ministre britannique Liz Truss, issue du parti conservateur, se retrouve dans une tempête politique après avoir présenté des mesures économiques qu'elle décrit elle-même comme "controversées et difficiles". Les conséquences se font déjà ressentir : chute de la livre sterling, méfiance sur le marché des crédits, avertissement du Fonds monétaire international (FMI)... Franceinfo vous résume les principaux facteurs de la crise qui frappe le Royaume-Uni.
Parce que le pays n'est pas épargné par l'inflation
C'est un élément de contexte très important. Le Royaume-Uni connaît une flambée des prix majeure, avec un taux d'inflation de 10,1% en juillet, un record depuis près de quarante ans. En raison du conflit en Ukraine, le secteur totalement privatisé de l'énergie a vu ses tarifs exploser : les prix de l'électricité ont quasiment triplé en un an. Les prix des denrées alimentaires ont, eux aussi, atteint un niveau jamais vu depuis quarante ans, soulignait la BBC (article en anglais) mi-août.
Face à cela, les salaires n'ont pas augmenté (ou très peu), et l'incertitude grandit dans les ménages britanniques. Il est devenu très difficile d'emprunter au Royaume-Uni, car les taux se sont envolés et certains organismes ont même décidé de ne plus prêter face à la gravité de la situation. Pour calmer les esprits, et débloquer les crédits, Liz Truss a assuré que son gouvernement "remettrait l'emprunt sur les rails", lors d'une série d'interviews accordées aux antennes locales de la BBC.
Parce que Liz Truss a annoncé des mesures controversées
La Première ministre britannique a présenté le 23 septembre un plan anti-inflation qui a fait paniquer les marchés financiers. La conservatrice ultralibérale défend en effet des aides d'urgence pour les ménages, financées par l'Etat, tout en promettant des baisses massives d'impôts, notamment pour les plus riches. Le coût total de ce projet n'a pas été communiqué avec précision, ce qui laisse craindre un profond déséquilibre budgétaire outre-Manche.
Le nouveau chancelier de l'Echiquier (ministre des Finances et du Trésor), Kwasi Kwarteng, a déclaré devant le Parlement qu'il voulait "réformer le versant de l'offre dans l'économie" en "baissant les impôts pour doper la croissance". "C'est comme ça que nous inverserons le cercle vicieux de la stagnation" économique, a-t-il insisté. Le "mini budget" défendu par le gouvernement britannique inquiète l'opposition, certains alliés de Liz Truss ainsi que de nombreux observateurs. L'institut spécialisé IFS s'alarme des "plus grosses baisses d'impôts depuis 50 ans sans même faire un effort d'équilibrage des comptes publics" et estime que ces derniers sont sur une pente "insoutenable".
Parce que la confiance dans le gouvernement conservateur s'érode
La réaction des marchés financiers à ce paquet budgétaire et fiscal a été extrêmement négative. La livre sterling a plongé à un plus bas historique, à 1,0350 dollar le 26 septembre. Les taux d'intérêt auxquels l'Etat s'endette ont par ailleurs flambé, relançant l'inquiétude au sujet de la dette du pays. Pour tenter de calmer la tempête, la banque centrale a été contrainte d'intervenir sur les marchés, deux jours après avoir assuré qu'elle n'agirait pas avant sa prochaine réunion, début novembre, invoquant des "risques réels pour la stabilité financière".
Signe de la gravité de la situation, le FMI a demandé à Londres, dans un rare avertissement, de revenir sur les mesures concernant les revenus les plus élevés, car l'institution estime que cela risque "d'accroître les inégalités" déjà élevées au Royaume-Uni. Critiquée de toutes parts, Liz Truss persiste et signe. "Le monde se trouve dans une situation économique difficile" s'est-elle justifiée sur Twitter jeudi, assurant que son plan apporterait "une croissance à long terme tout en maintenant une discipline fiscale".
Cette crise représente un coup dur pour les conservateurs britanniques, généralement élus sur des promesses de rigueur et de stabilité économique. Sur ce point et sur la capacité du gouvernement à soutenir la croissance, les Britanniques interrogés dans un récent sondage YouGov (en anglais) sont deux fois plus nombreux à faire confiance au parti travailliste (33%) qu'aux conservateurs (16%). Le gouvernement Truss se prépare par ailleurs à un automne social chargé, avec de nombreux mouvements de grève prévus dès le mois d'octobre.
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