Crise en Ukraine et présence russe en Crimée : la peur de l’effet domino
Le 25 janvier 2014, avant les derniers rebondissements de la crise ukrainienne, Jean-Sylvestre Mongrenier, spécialiste de politique est-européenne, évoquait dans JOLPress des situations «variées concernant les anciens satellites de l’URSS. Mais ce qui est commun, c’est qu’il n’y a pas de volonté de rester sous le pouvoir russe, y compris dans des républiques d’Asie centrale. La Russie est plutôt vue comme une réassurance, si jamais le système de pouvoir est contesté par la rue. Les apparatchiks post-soviétiques sont prêts à s’appuyer sur la Russie, mais ils ne veulent repasser en aucun cas sous le contrôle de la Russie.»
Pour autant, les pays baltes, occupés et annexés par l'URSS à l'issue de la Seconde guerre mondiale, étaient au premier rang des nations préoccupées par la situation, expliquait le 12 mars 2014, la Tribune de Genève. Selon le journal, la présidente lituanienne Dalia Grybauskaite a pressé les dirigeants de l’UE de «prendre conscience du fait que la Russie tente de redessiner la carte et les frontières de l'Europe d'après-guerre».
Partout, on sort le parapluie
Il faut dire qu’avec un nombre important de Russes vivant dans les anciennes Républiques soviétiques, l’équilibre est fragile et l’éclatement de l’URSS ne remonte qu’à deux décennies.
Les pays baltes, les plus tournés vers l’Europe, comptent ainsi 6% de russophones en Lituanie (2 millions d’habitants), 25% en Estonie (1,3 million) et quelque 30% en Lettonie (2,2 millions).
Si les pays baltes sont inquiets, la Moldavie craint également une contagion régionale. Ainsi, Les Echos du 5 mars rapportaient que le Premier ministre moldave Iurie Leanca s'inquiète d'une «réplication» des actions militaires russes en Crimée dans d’autres pays d’Europe de l’Est. Il s’est dit «très anxieux» quant à une éventuelle contagion régionale du phénomène, la Moldavie partageant une frontière avec l’Ukraine.
En Pologne, qui entretient des relations pour le moins complexes avec Moscou, Washington va intensifier les entraînements aériens conjoints avec Varsovie. But : renforcer leur coopération en matière de protection de l'espace aérien des pays baltes. Dans le même temps, l’Otan assure la protection de la Lituanie, de la Lettonie et de l'Estonie depuis 10 ans.
L’attitude des républiques d’Asie centrale
La crise ukrainienne soulève, selon Akhmed Rahmanov pour le Huffington Post, «plusieurs questions de souveraineté et d'identité pour l'Asie Centrale, puisque les pays de la région ont une troisième alternative politique plutôt que de choisir entre Euromaïdan et la Russie. Cette alternative réside dans la solidarité qu'entretiennent les peuples turco-mongols avec les Tatars de Crimée.»
Cependant, «une question se pose sur l'intégrité des territoires des pays d'ex-URSS, mais aussi sur les minorités russophones en Asie centrale, surtout au Kazakhstan. Ces dernières années le territoire de ces pays a été (contesté) par les nationalistes russes, qui réclament les régions au Nord du Kazakhstan, avec le même type d'arguments ─ ces régions étant peuplées majoritairement par des russophones», précise encore le site avant d’ajouter : «Les autres pays de la région ne seraient pas épargnés si l'intégrité territoriale du Kazakhstan venait à être menacée.» Une éventuelle intervention mettrait en question toutes les frontières des pays d'ex-URSS et réchaufferait «des conflits gelés, ce qui pourrait déstabiliser toute la région.» Et de conclure : «Avec la montée en puissance de la Russie ces dernières années, on observe une forme de solidarité parmi les pays d'ex URSS turco-musulmans afin de préserver leurs identités et leur souveraineté.»
26% de russophones habitent le Kazakhstan (16,7 millions d’habitants), où « la composition ethnique a changé drastiquement depuis l’indépendance» en décembre 1991, précise le site Russia Beyond The Headlines, qui évoque l’assimilation de cette population.
Ailleurs, au Tadjikistan (6,8 millions d’habitants), quelque 3,4% sont russophones ; ils sont 9,5% au Turkménistan (4,7 millions d’habitants), 6% en Ouzbékistan (26 millions d’habitants) et 10% au Kirghizstan (4,8 millions d’habitants). Quant à la Biélorussie (10 millions d’habitants), elle en comptabilise 13%.
Dans ce dernier pays, Minsk a appelé Moscou, son principal bailleur de fonds, à renforcer la surveillance aérienne exercée en commun au-dessus de son territoire, réagissant à l'annonce de l’Otan d’envoyer des avions-radars Awacs pour effectuer des missions de reconnaissance au-dessus de la Pologne et de la Roumanie.
Malgré le régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko, des voix d’opposition s’y font entendre. Natallia Radzina, journaliste biélorusse exilée en Pologne et ancienne prisonnière politique, s’en fait le relais. Elle espère «que la révolte ukrainienne va s'étendre à toute la région».
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