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Le charbon et les minerais, une des clefs du conflit dans l’est de l’Ukraine
Embourbée dans une guerre avec des rebelles soutenus par Moscou dans l’est du pays, l’Ukraine veut réduire sa dépendance énergétique à l’égard de la Russie, ex-puissance tutélaire. Elle a interdit les importations de charbon russe pour se fournir aux USA. Et renoncé à la houille des régions sécessionnistes, connues pour leurs richesses minérales. Explications.
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Le ministre de l’énergie de Kiev, Igor Nassalyk, a indiqué le 19 avril 2017 avoir présenté au gouvernement un projet de loi visant à empêcher les importations de charbon russe pour les centrales électriques ukrainiennes. Ce qui soulève l’ironie du site russe (en français) Sputnik: «La livraison de charbon russe à l’Ukraine est l’un des sujets que les autorités ukrainiennes n’aiment pas évoquer», affirmait-il le 18 avril.
Selon Igor Nassalyk, pour remédier aux importations de charbon russe, son pays peut d’ores et déjà recourir à des livraisons en provenance d'Afrique du Sud mises en place par le milliardaire Rinat Akhmetov pour ses entreprises. Pour le plus long terme, l’Ukraine espère signer un contrat pour acheter quatre millions de tonnes par an aux Etats-Unis.
L'ex-république soviétique s'est trouvée contrainte de s'approvisionner en Russie après avoir interdit mi-mars tous les échanges commerciaux avec les zones de l'Est sous contrôle des séparatistes prorusses. Aussi étonnant que celui puisse paraître, jusqu'alors malgré la guerre, ces régions riches en anthracite continuaient de fournir les centrales thermiques ukrainiennes.
Dépendance énergétique
Pour réduire la consommation du pays en charbon, le Premier ministre, Volodymyr Groïsman, avait annoncé en février un projet pour moderniser les centrales électriques. Objectif: permettre de les alimenter en gaz.
En raison du conflit dans l’est du pays, la question énergétique crée une situation kafkaïenne pour l’Ukraine. Le 15 février 2017, en plein hiver, son gouvernement a dû déclarer «l’état d’urgence énergétique (…) demandant ainsi à la population» d’économiser autant d’électricité que possible, rapporte le site spécialisé lenergeek.com. Et ce, en raison d’une simple grève bloquant une voie ferrée par où passaient les importations de charbon russe.
Profitant de la dépendance de son voisin, la Russie a déjà, dans le passé, utilisé l’arme énergétique. En novembre 2015, à l’approche de l’hiver, elle avait interrompu ses livraisons de gaz. Et menacé d’interrompre celles de charbon. Kiev avait accusé Moscou d’avoir partiellement mis cette menace à exécution.
Est contre Ouest
Mais l’affaire prend une dimension encore plus kafkaïenne quand on recense les très importantes richesses minières du bassin du Donbass, dans l’est de l’Ukraine: outre du charbon, on trouve du fer et du manganèse. Autant de richesses qui ont, dans l’Histoire, suscité bien des convoitises. Notamment à l’époque nazie. Et qui manquent aujourd’hui cruellement aux territoires contrôlés par Kiev dans l’ouest du pays.
«Que ces gisements des trois substances minérales indispensables à la fabrication de l'acier aient permis à l'URSS d'ériger son plus puissant centre sidérurgique et industriel autour de Donetsk n'en démontre que la hauteur des intérêts en jeu. De même, l'industrie soviétique de l'aluminium et, partant, son industrie aéronautique, doit son émergence à l'énergie de la puissante centrale hydroélectrique du Dniepr (10 milliards de kilowattheures), en Ukraine», estime le chercheur Apoli Bertrand sur le site Huffington Post, dans un article où il tente d’analyser les raisons profondes du conflit. Autant d’éléments montrant, aujourd’hui encore, l’imbrication des économies ukrainienne et russe. Et l’extrême difficulté d’en sortir.
D’où la question du chercheur: «A cet égard, ne faudrait-il pas voir aussi derrière ce conflit la question essentielle du contrôle des ressources minérales et de leurs prolongements industriels?» L'ouest de l’Ukraine, «moins doté», s'opposant ainsi à la partition du pays, à la différence de l’Est, «principal siège des richesses nationales» et «territoire inextricablement intégrée» à l’économie russe. Et d’ajouter: «cet enjeu minier et industriel (...) révèle que la marche orientale de l'Ukraine est d'abord un bassin minier et énergétique avant d'être russophone et permet de comprendre pourquoi la Russie tient tant à maintenir son contrôle sur ce territoire inextricablement intégré à son économie». Quand la question énergétique rejoint la géopolitique…
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