Législatives russes : un scrutin pour rien avant la présidentielle ?
Cent dix millions de Russes se rendent aux urnes ce dimanche. 95000 bureaux de vote ont été installés de Kaliningrad à Vladivostok. Ce scrutin à la fois proportionnel et majoritaire, va s’étendre sur dix fuseaux horaires. Mais de l’avis de tous les politologues russe, il ne faut attendre aucun bouleversement de ces législatives.
La principale inconnue de ces législatives sera la participation, car les Russes n’ont pas été mobilisés par une campagne électorale assez terne, sans aucun meeting et seulement rythmée par de modestes débats télévisés et les sorties des candidats dans la rue, pour échanger avec la population.
En 2011, Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, avait remporté la majorité absolue des sièges, suivi par trois autres partis : le parti communiste, le très nationaliste parti libéral démocrate, et Russie Juste. Ces trois partis, alors d’opposition, ont presque toujours voté les lois inspirées par le Kremlin.
Le parlementarisme; pour nous c'est quelque chose d'exotique
Le député Piotr Tolstoï, descendant direct du célèbre écrivain, et très pro-Poutine, profite de la fête de la ville dans un square pour rencontrer ses électeurs. Il juge que le débat démocratique n’est pas très utile en Russie.
"Chez nous, il y a quatre partis dans la Douma qui ont été ensemble quand la Crimée est entrée en Russie mais ils critiquent le pouvoir. Le problème, c'est que les gens préfèrent voter pour un parti qui peut faire quelque chose plutôt que pour pour un parti d'opposition qui aura vingt députés à la Douma sans pouvoir faire passer aucune loi. Il ne faut pas oublier qu'en Russie on a vingt-cinq ans de parlementarisme et que pour nous c'est quelque chose un peu exotique…"
Depuis cinq ans, la Douma a toujours été une chambre d’enregistrement des lois du Kremlin. Ses députés ont approuvé l’annexion de la Crimée et ont presque systématiquement voté des textes très restrictifs.
Un seul homme a cependant osé défier la majorité à la Douma en cours de mandat. Il se présente en indépendant, dans la banlieue nord de Moscou. Selon Dimitri Gudkov, la crise économique peut changer beaucoup de choses.
"C’est ma 210e réunion électorale. Je suis allé dans toutes les cours d’immeuble. Ce qui me surprend, c’est que personne ici ne s’intéresse à la politique extérieure par laquelle on tente de nous distraire des problèmes intérieurs. Les gens sont inquiets à cause des problèmes sociaux, économiques, à cause des prix, de la baisse des salaires. Les gens se sentent concernés par la vie locale, l’indexation des retraites. C’est ça qui les intéressent vraiment…"
Est-ce que malgré tout, les candidats de l’opposition, même en petit nombre, auront cette fois une chance d’entrer à la Douma ?
C’est possible. Notamment parce que la nature du scrutin a changé avec ce mélange de proportionnelle et de scrutin majoritaire. Il y a quatorze partis en lice. Si on met à part les quatre partis dominants, un parti comme Iabloko, social-libéral, qui signifie pomme en russe, pourrait avoir des élus. Il y a aussi de l’espoir pour plusieurs candidats indépendants.
Beaucoup de membres de l'opposition sont en prison, en exil...
En tout cas, s’opposer, exprimer un avis différent ou critique, n’est pas chose facile ici. C’est ce que nous explique Vladimir Kara Murza, numéro 2 du parti de Mikhail Khodorkovski, Russie Ouverte. Il rappelle notamment le cas de Mikhaïl Khodorkovski, un milliardaire dans le pétrole, qui a passé dix ans en prison après avoir critiqué Poutine pour son manque d’entrain à combattre la corruption.
"Malheureusement, on sait que c'est très dangereux de faire partie de l'opposition. Le chef de l'opposition Boris Nemtsov a été assassiné il y a un an et demi. Il y a beaucoup de membres de l'opposition qui sont en prison, en exil, qui ne peuvent pas participer aux élections. Mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire. Et on va même utiliser ces élections qui ne sont pas libres, pas justes, pas démocratiques pour présenter notre vision aux citoyens de la Russie…"
Et Vladimir Kara Murza, avec beaucoup d’autres opposants souvent réduits au silence, considère que le changement est inévitable. Il espère que ces législatives annoncent le commencement d’un renouveau politique. Son parti a d’ailleurs déjà pour objectif la prochaine présidentielle, en 2018, à laquelle se présentera très probablement Vladimir Poutine pour un 4e mandat.
C'est insultant de dire que dans un pays de 140 millions de gens, qu'il n'y a pas d'alternative
"Le projet qu'on lance aujourd'hui qui s'appelle "Vmesto Poutine", au lieu de Poutine. C'est pour donner une réponse à cette question que la propagande du Kremlin nous pose. Si ce n'est pas Poutine, c'est qui? Je crois que c'est insultant de dire que dans un pays de 140 millions de gens, qu'il n'y a pas d'alternative à une seule personne."
Des législatives qui se présentent donc aussi une première étape de la course à la présidentielle.
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