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Russie : les libraires retirent les livres des rayons par peur de la nouvelle loi anti "propagande" LGBT+

Les députés ont adopté des amendements qui interdisent de "faire la promotion de relations sexuelles non-traditionnelles" dans les médias, sur internet, dans les livres et dans les films. A Moscou, alors que la loi entre en vigueur, on retire les livres des rayons.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Moscou en novembre 2022.  (YURI KADOBNOV / AFP)

Dans la petite librairie d'Olga, on prépare les cadeaux de fin d'année et on trie les livres. Cette jeune femme, qui est aussi éditrice, a décidé de retirer tous les ouvrages qui, d'une façon ou d'une autre, évoquent l'homosexualité. "Par exemple, ce livre, Basic Wishes, qui est un livre étranger, nous avons acheté les droits, nous l'avons traduit et nous l'avons publié. C'est l'une de nos meilleures ventes. Mais parfois, il s'adresse aux lectrices en disant 'ton ou ta partenaire'. C'est pourquoi nous avons dû malheureusement le retirer de la vente", explique avec dépit Olga. La nouvelle loi "anti propagande LGBT" entre en vigueur ce 8 décembre, après sa ratification par Vladimir Poutine lundi dernier. Et ce texte durcit la législation qui existait déjà en Russie depuis 2013 et proscrit toute présentation positive des relations homosexuelles, des transgenres dans l'espace public. Tout le monde et tout est concerné : la publicité, l'internet, les films, la télévision, et bien sûr, les livres.

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Comme souvent en Russie, la loi votée par la Douma est rédigée en termes flous. Personne ne comprend vraiment ce que signifie "la propagande LGBT est interdite". A priori, il reste un espace d'expression, mais il est très restreint. Surtout, les amendes en cas d'infraction peuvent aller jusqu'à un million de roubles, 150 000 euros. Un risque trop important pour Olga. "Notre magasin est assez petit et nous ne pouvons pas risquer d'énormes amendes pour cela. Il y a un risque que nous fassions faillite et que nous fermions. Ça me rend amer. C'est révoltant, répugnant, mais c'est comme ça", regrette la jeune libraire. Olga a également dû retirer de la vente un jeu de cartes parce qu'une seule d'entre elles comportait une image représentant deux hommes enlacés.

Beaucoup d'activistes fuient la Russie

Les écrivains, les réalisateurs de films, de séries, le monde de la culture russe s'interrogent sur ce qu'il est possible de dire, d'écrire. C'est bien là l'objectif du pouvoir, pour Roman Poliakov, qui était l'un des organisateurs du Festival du film LGBT de Saint-Pétersbourg, aujourd'hui interdit. "De mon point de vue, cette loi a deux objectifs. D'un côté, il y a la volonté de rendre la communauté LGBT complètement invisible. D'autre part, ce texte qui est très vague, comme beaucoup de lois russes, permettra d'alourdir le cas de quelqu'un que les autorités n'aiment pas beaucoup", s'inquiète-t-il. Comme beaucoup d'activistes LGBT, Romane Poliakoff a quitté la Russie. Olga, la libraire, elle, n'est pas une militante, mais elle réfléchit sérieusement à partir s'installer au Kazakhstan. D'autres ont choisi l'Arménie, pour un aller sans retour.

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