Salva Kiir a appelé dimanche la population du Sud-Soudan à pardonner au Nord pour les morts sudistes de la guerre civile
Le président de la région semi-autonome du Sud-Soudan faisait là sa première déclaration publique depuis la fin du référendum d'indépendance au Sud-Soudan.
Les bureaux de vote ont fermé samedi en fin d'après-midi. La consultation avait commencé le 9 janvier. Des résultats partiels sont attendus fin janvier et les résultats définitifs le 14 février.
Le seuil de 60 % de participation au référendum a été dépassé, a confirmé jeudi la commission référendaire. Ce seuil est indispensable pour que soit validé le résultat du
scrutin au Sud-Soudan, qui devrait déboucher sur l'indépendance de cette région.
Le scrutin, surveillé par des observateurs américains, européens, africains et arabes, a commencé dans la joie dimanche à Juba, la capitale, où l'on a salué un jour "historique" par des chants et des danses. Près de 4 millions de personnes se sont inscrites pour ce référendum d'autodétermination.
"C'est le moment historique que les Sud-Soudanais attendaient", a affirmé le président de cette région semi-autonome Salva Kiir, après avoir voté dimanche à Juba, capitale du Sud-Soudan.
La partition semble inévitable à l'issue de ce référendum prévu par l'accord de paix conclu en 2005 qui a mis fin à plus de vingt ans de guerre civile entre le Nord, musulman et en grande partie arabe, et le sud, chrétien, du Soudan. Le conflit a fait deux millions de morts entre 1983 et 2005.
A Abyei, une poudrière située à la frontière du Nord et du Sud, des affrontements meurtriers entre tribus rivales ont fait plusieurs dizaines de morts depuis dimanche. Par ailleurs, dans l'Etat pétrolier sensible d'Unité, des combats ont opposé rebelles et soldats sudistes.
Kiir appelle au pardon
Le président de la région semi-autonome du Sud-Soudan Salva Kiir a appelé dimanche la population à pardonner au Nord-Soudan pour la mort de sudistes pendant la guerre civile, lors de sa première déclaration publique depuis la fin du référendum d'indépendance, à la cathédrale catholique de Sainte-Thérèse à Juba, la capitale du Sud-Soudan.
"Pour nos frères et soeurs morts, en particulier ceux décédés pendant la période des combats (...) nous devons, comme Jésus-Christ l'a dit sur la croix, pardonner à ceux qui ont causé leur mort", a déclaré Salva Kiir lors d'une allocution.
Il s'agit de la première déclaration publique du chef sudiste, qui a l'habitude de prendre la parole lors de la messe du dimanche, depuis la fin du référendum au Sud-Soudan, qui s'est déroulé du 9 au 15 janvier, et doit mener à l'indépendance de cette région.
Ce scrutin est le point-clé de l'accord de paix global ayant mis fin en 2005 à plus de deux décennies de guerre civile entre le Nord, musulman et en grande partie arabe, et le Sud, afro-chrétien, un conflit ayant fait plus de deux millions de morts.
Omar el-Bechir dit qu'il se pliera aux résultats du scrutin
Le vote conduira vraisemblablement à la partition du Soudan, le plus grand pays d'Afrique, après de nombreuses années de guerre civile. "Je célèbrerai votre décision, même si vous choisissez la sécession", a déclaré le président soudanais, Omar El-Bechir.
Les analystes, les politiques sudistes, et même nordistes, anticipent désormais une victoire de l'option sécessionniste lors de ce scrutin. Le Parti du Congrès national (NCP, présidentiel) n'a même pas fait campagne au Sud-Soudan pour convaincre les Sudistes de choisir l'unité, comme si la tendance de fond était trop lourde pour être renversée.
Les seules inconnues sont le taux de participation et le respect des normes démocratiques internationales.
Une histoire marquée par la séparation
Peuplé de plus de 8,5 millions d'habitants, le Sud du Soudan représente environ 20 % de la population du pays, le plus grand d'Afrique.
Sous la colonisation (1899 à 1956), les Britanniques ont administré le Nord et le Sud comme deux régions distinctes. Restreignant les mouvements de personnes entre les deux, ils ont encouragé la christianisation et l'anglicisation du Sud pour faire contrepoids aux Arabes musulmans du Nord.
Juste avant l'indépendance, en 1955, la rébellion commence dans le Sud contre la domination du Nord. En 1972, après 17 ans de guerre, le Sud obtient un statut d'autonomie. La remise en cause de ce statut relance les hostilités en 1983. Elles vont durer plus de vingt ans, jusqu'aux accords de paix de 2005.
Ceux-ci prévoient un entre le Nord et le Sud, région qui obtient de nouveau un statut d'autonomie. Une Constitution intérimaire organise un partage du pouvoir entre les deux régions: le chef du gouvernement du Sud est aussi vice-président du Soudan. En avril 2010, Salva Kiir, qui a pris la succession du chef de guerre John Garang, est le premier président élu du Sud-Soudan.
Une partition qui ne sera pas simple
Même si le pouvoir à Khartoum accepte l'indépendance du Sud, celle-ci ne se fera pas sans difficultés.
La frontière n'est pas encore totalement définie, notamment autour de la région contestée d'Abyei, en raison de la présence de pétrole. Un autre référendum devait décider de son rattachement au Nord ou au Sud mais les différentes parties n'ont pas réussi à s'entendre sur qui pourrait voter. Au moins cinq autres secteurs frontaliers restent contestés.
Les deux régions négocient, par ailleurs, le partage de la manne pétrolière. Le Soudan produit actuellement 500.000 barils par jour de pétrole, qui représentent 90% de ses exportations. Les trois quarts des réserves gisent dans des zones limitrophes et au Sud.
Enfin, au-delà de leur opposition au Nord, les Soudanais du Sud devront inventer une identité nationale qui ne va pas de soi dans une région morcelée, divisée entre plusieurs milices et où coexistent une soixantaine de tribus.
Un précédent en Afrique
Le référendum au Sud-Soudan remet en cause les frontières héritées de la décolonisation en Afrique et pourrait créer un précédent pour d'autres régions tentées par la sécession.
Si l'Erythrée s'est bien prononcée en 1993 sur son indépendance, ce pays avait déjà existé en tant que colonie italienne distincte de l'Ethiopie.
L'Afrique post-coloniale s'est construite, au début des années 1960, sur le principe d'intangibilité des frontières. Mais après le vote d'autodétermination au Soudan, d'autres régions d'Afrique, ou mouvements rebelles, pourraient à leur tour réclamer un référendum d'autodétermination: le Sahara occidental, l'enclave pétrolière angolaise du Cabinda, les Touaregs dans le nord du Mali et du Niger, la Casamance au Sénégal...
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.