: Reportage Séisme en Turquie : "Je n’arrive pas à m’endormir", confie cet habitant d'Istanbul qui vit dans la crainte d'un puissant tremblement de terre
"Des médicaments, des vêtements, du dentifrice, une torche et sifflet…", Göze a bouclé le sac d’urgence pour la famille au cas où le "Big One", ce puissant séisme, qui hante les habitants d'Istanbul, les piégerait, elle et sa famille, dans leur immeuble. Certains ajoutent un livre ou du chocolat. Difficile de savoir ce que l’on préparerait si l’on imagine devoir survivre à un tel tremblement de terre. Pour Göze, c’est "de la mélatonine, car il faudra bien pouvoir dormir à un moment donné".
Quand la ville d’Istanbul a publié les cartes des quartiers par risque sismique, cette jeune étudiante de 22 ans a vu son quartier, Fatih, clignoter en rouge. "Et j’ai réalisé, raconte-t-elle, que nous habitions dans le pire endroit possible."
Depuis le 6 février, et le séisme entre la Turquie et la Syrie, dont le bilan toujours temporaire est de 50 000 morts et des milliers de disparus, les images des immeubles effondrés, des corps sortis des décombres hantent son père, Adnan Şahbaz. "Je n’arrive pas à m’endormir. On sait que l’on attend un séisme aussi à Istanbul. Les experts disent que ça peut arriver à tout moment. Donc nous avons peur. Nous n’allons pas bien. J’ai l’impression que l’on vit dans des tombes", glisse-t-il, avant d'avouer que sa consommation de cigarettes est passée à deux paquets par jour.
"La plupart des bâtiments s’écroulera"
Göze, elle, va voir une psy toutes les semaines. Elle a demandé une inspection de son bâtiment. La famille est aujourd'hui sur liste d’attente, tant les demandes ont explosé.
Conséquence de l'angoisse : dans plusieurs quartiers d’Istanbul, des immeubles entiers se vident. "Même s’ils disent qu’il faut évacuer, nous n’avons nulle part où aller, regrette Adnan Şahbaz. On n’a pas les moyens de déménager dans un immeuble conforme aux normes sismiques, les loyers sont trop élevés. En plus, même si notre immeuble ne s’effondrait pas, il y a une telle urbanisation à Istanbul… Regarde : cet immeuble, en face, il pourrait s’écrouler sur nous. Celui-ci aussi...", montre le père de famille à travers la fenêtre.
Le problème, c’est qu’aujourd’hui tout le monde doute de tout, poursuit-il : "Peu importe la qualité du promoteur. Je n’ai confiance dans aucun bâtiment à Istanbul. La plupart s’écroulera : ils sont vieux, ils ont été construits avec du sable de mer. On trouve des coquillages dans le béton."
Depuis le 6 février, les Stambouliotes parlent béton et suivent les répliques du séisme sur des applications spéciales. Göze observe son père, pensive, finalement, peut-être va-t-elle glisser quelques photos de famille dans le sac d’urgence. "Il ne s’agit pas juste de rester en vie, c’est toute notre histoire que nous risquons de perdre", conclut-elle.
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