Cet article date de plus d'un an.

Reportage Séisme en Turquie : "On a dû regarder des centaines de corps pour tenter de retrouver son fils", témoignent des familles qui cherchent encore leurs disparus

Le bilan du tremblement de terre qui a secoué le sud de la Turquie et le nord de la Syrie le 6 février dernier, continue de s’alourdir. Des milliers de familles cherchent toujours les corps de leurs proches disparus la nuit du 6 février. Un terrible parcours du combattant.
Article rédigé par franceinfo - Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Les photos de personnes disparues dans le séisme du 6 février 2023 en Turquie sont placardées dans les camps de tentes. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

Les photos des disparus dans le séisme du 6 février en Turquie s’affichent aux entrées des camps, sur un poteau, dans les gares. Un couple souriant, un jeune homme, un vieillard... Et tous avec un numéro de téléphone pour communiquer d'éventuelles informations.

>> "Nous n’oublierons pas, nous ne pardonnerons pas et nous ne laisserons personne oublier ou pardonner". Vers un séisme politique pour Recep Tayyip Erdogan ?  

À Antioche, particulièrement touchée par la catastrophe, Gülten, 68 ans, est effondrée sous une tente. Son fils Ali reste introuvable. "J’ai parlé avec l'agence turque de gestion des catastrophes et des situations d'urgence, avec le préfet, avec tout le monde. Je leur ai demandé de chercher dans les gravats de notre immeuble", raconte-t-elle.

"Ça leur a pris 12 jours pour venir fouiller. Peut-être que mon fils était vivant pendant tout ce temps. Mais désormais…"

Gülten, 68 ans, cherche son fils Ali

à franceinfo

 "Ils ont traîné, traîné jusqu’à la mort. Je ne sais pas si mon fils est vivant, s’il est mort – je n’en sais rien. Y a-t-il quoi que ce soit de plus douloureux au monde ?", interroge Gülten. 

L’immeuble était inaccessible, la rue encombrée des gravats des autres habitations. Touché par le désespoir de Gülten, un jeune homme, Cahit, a entrepris de l’aider. "Ils ont dégagé l’accès à la rue de l’immeuble. Peut-être que le corps du fils de Gülten se trouvait là. Mais ils n’ont même pas vérifié. Ils ont juste emporté les gravats. Nous avons insisté, nous avons pleuré, crié. Mais rien n’y a fait." 

Une quête désespérée

Alors, Cahit l’a accompagnée dans sa quête. "On l’a emmenée dans tous les hôpitaux au cas où il ferait partie des blessés qui n’avaient pas d’identité. On a été dans les cimetières. Puis, on a appris qu’il y en avait un pour les corps non identifiés. Il y avait une tente où l’on pouvait identifier les corps à partir de photos. On a dû en regarder des centaines pour tenter de retrouver son fils. Mais nous ne l’avons pas trouvé. Dans la tente voisine, ils prenaient des échantillons d’ADN", relate Cahit.

Gülten cherche son fils avec l’aide de Cahit. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

"La seule chose qu’on nous a dite c’est : cela pourrait prendre plusieurs mois, gardez vos téléphones portables à portée. Si on le retrouve, on vous appellera", poursuit le jeune homme.

Le séisme du 6 février a fait plus de 50 000 morts en Turquie. Mais combien de disparus : des milliers, des dizaines de milliers ? Comme tant d’autres, Gülten remonte inlassablement le fil de cette nuit de cauchemar, ces heures à appeler un téléphone qui sonne dans le vide, ces heures sous une pluie glaciale avant d’atteindre la ville où habitait son fils, ces jours à espérer devant un tas de gravats dont on sortait des vivants, puis des corps. "Tous les jours, je regarde ses photos. Dieu merci, on m’a envoyé des photos de lui. Je n’en avais pas." Elle regarde aujourd'hui ces photos d’une autre vie avec un regard d’une infinie tristesse.

Plus d'un mois après le séisme en Turquie, Gülten cherche encore son fils à l'instar de milliers d'autres familles - Reportage à Antioche de Marie-Pierre Vérot.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.