Séisme en Turquie et Syrie : comment expliquer les impressionnants déplacements de terrain observés en surface ? On a posé la question à un sismologue
Des déplacements de terrain saisissants. Des clichés de voies ferrées et de routes déplacées sur plusieurs mètres circulent sur les réseaux sociaux depuis le terrible séisme qui a ravagé le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie, lundi 6 février. Certains clichés ne sont pas authentiques, comme le souligne Libération, mais d'autres ont bien été pris après le tremblement de terre.
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Les images publiées mercredi sur Twitter par Cengiz Zabci, géologue à l'Université technique d'Istanbul, montrent ainsi les rails d'une ligne ferroviaire décrivant un soudain zigzag, près de la ville de Sekeroba. L'expert a également publié la photo d'une route cisaillée, non loin de Turkoglu. Le séisme a créé un écart de "3,3 mètres" entre les deux sections, selon "les premières mesures".
Kahramanmaraş/Türkoğlu: ilk ölçümlerimiz bu noktada 3.3 m pic.twitter.com/h2SIadSH60
— Cengiz Zabcı (@CengizZabci) February 8, 2023
Franceinfo a interrogé Jérôme Vergne, sismologue à l'Institut Terre et environnement à Strasbourg (Bas-Rhin), afin de comprendre comment un séisme pouvait provoquer de tels phénomènes à la surface.
Franceinfo : La première secousse du séisme a atteint une magnitude de 7,8. A quel point ce paramètre a-t-il un impact sur le mouvement à la surface du sol ?
Jérôme Vergne : Un séisme résulte d'un glissement de deux blocs l'un par rapport à l'autre, ce qui provoque une rupture le long de la faille qui les sépare. Plus la magnitude est importante et plus l'étendue de la faille rompue est grande, et plus cette rupture aura des chances d'atteindre la surface de la Terre. Dans le cas du séisme en Turquie et Syrie, la rupture est considérable, de l'ordre de 200 kilomètres de long et de 20 kilomètres d'épaisseur. C'est ce qui explique cette rupture en surface, capable de déplacer les rails de deux à trois mètres.
"Plus globalement, ça signifie que toute la plaque qui porte la Turquie s'est déplacée vers l'ouest d'environ trois mètres par rapport à celle où repose la Syrie."
Jérôme Vergne, sismologueà franceinfo
Y a-t-il d'autres variables qui expliquent que cette fracture atteigne la surface ?
La profondeur de l'hypocentre, c'est-à-dire le point dans la croûte terrestre où démarre la rupture, a aussi une influence sur les mouvements de terrain. Un séisme qui débute à 700 kilomètres de la surface de la Terre ne va jamais la marquer en surface. Mais celui survenu en Turquie et en Syrie a commencé à une quinzaine de kilomètres de profondeur seulement, ce qui fait que la rupture a pu atteindre le sol sur lequel nous marchons.
Ce phénomène est arrivé en 2019 en Ardèche, par exemple. Le tremblement de terre était de magnitude 5 – ce qui est beaucoup plus faible que celui survenu en Turquie –, mais son hypocentre n'était qu'à un kilomètre de la surface, ce qui a provoqué une petite déformation à certains endroits.
C'est d'ailleurs à cette occasion que la première rupture de surface en France métropolitaine a été observée à l'époque contemporaine. Mais dans ce cas, la longueur de la rupture n'était que de cinq kilomètres, ce qui a engendré des déplacements en surface de l'ordre de quelques centimètres seulement.
Ce phénomène se produit-il souvent ?
Des déplacements de cette ampleur n'arrivent que lorsque les séismes ont une magnitude qui atteint 8 ou s'en approche, comme cela a été le cas en Turquie et en Syrie. Or, un tel tremblement de terre ne survient en général qu'une fois par an. Néanmoins, les séismes de magnitude 7 peuvent également générer des glissements à la surface, et on en compte une dizaine chaque année.
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