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"Au G7, on parle beaucoup, on décide très peu", analyse un spécialiste en relations internationales

Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po et spécialiste des relations internationales, revient sur le sommet du G7 en Cornouailles, en Grande-Bretagne.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron au G7 de Corbis bay, le 12 juin 2021. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"L'une des caractéristiques du G7, c'est qu'on parle beaucoup, on décide très peu", analyse sur franceinfo Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences Po et spécialiste des relations internationales, alors que se tient en ce moment un sommet du G7 en Cornouailles (Grande-Bretagne).

franceinfo : Samedi matin, Emmanuel Macron a demandé au Premier ministre britannique Boris Johnson de respecter "la parole donnée aux Européens" dans le cadre du Brexit. Peut-on attendre de grandes avancées sur ce sujet, alors que le Brexit n'est pas explicitement à l'ordre du jour ?

Bertrand Badie : Le G7, c'est un club. Ce n'est pas une institution comme pourrait l'être l'ONU ou même l'Union européenne. Et qu'est-ce qui caractérise un club ? C'est la libre parole, la concertation, les échanges informels et bien souvent, ce sont des sujets qui ne sont pas à l'ordre du jour, qui n'intéressent pas nécessairement tout le monde, qui prennent la vedette et viennent à être explorés sous forme de contacts informels ou bilatéraux. Aujourd'hui, c'est le moment idéal de discuter, mais discuter n'est pas décider. Justement, l'une des caractéristiques du G7, c'est qu'on parle beaucoup, on décide très peu. Je dirais même qu'en 46 ans de G7, jamais de décision formelle n'a été prise.

Aujourd'hui, on entre dans le vif du sujet, avec notamment le retour des Etats-Unis dans la coopération européenne. Ce G7 est indispensable pour les Occidentaux ?

Maintenant, les Etats-Unis reviennent avec un emblème : reconstituer le camp occidental autour de son histoire, ses valeurs, ses traditions. Et c'est un moyen pour les Etats-Unis de reconquérir un leadership perdu. Donc, effectivement, tout ceci donne un sens nouveau et il faut s'attendre, bien sûr, à des gestes comme vous l'avez vu [Emmanuel Macron et Joe Biden en grande discussion, très proches, ce matin]. Mais il y aura probablement un peu plus : des déclarations, des mains sur le cœur pour défendre les valeurs de la démocratie, pour dénoncer les périls, autant ceux qui affectent les valeurs démocratiques que les grands problèmes mondiaux systémiques, comme par exemple, bien sûr, le Covid. Et puis la crise climatique.

La Chine doit-elle s'inquiéter du retour des Etats-Unis parmi ses alliés européens ?

C'est là, je dirais, l'élément le plus sensible. Parce que les Etats-Unis voudraient faire de la Chine le premier instrument de cristallisation de cette nouvelle solidarité occidentale restaurée. Pourquoi ? Parce les Etats-Unis s'aperçoivent, depuis le début de l'ère trumpienne, que la Chine profite davantage de la mondialisation que les Etats-Unis et met en péril cette hégémonie économique américaine. Il n'est pas sûr que les Européens l'entendent de cette oreille. Officiellement, ils vont dire, comme les Etats-Unis, que la Chine menace les grandes valeurs démocratiques, que la Chine fait peser sur Hongkong, sur les Ouïghours, sur les peuples africains, un joug dangereux. Mais il ne faut pas oublier une chose : c'est que l'Europe et l'Allemagne en particulier, ont énormément investi en Chine. L'entreprise allemande Siemens par exemple a 35 000 salariés en Chine. Volkswagen, Adidas, BMW font 20% de chiffre d'affaires en Chine. Donc, penser que les Etats-Unis vont entraîner l'Europe dans une croisade globale contre la Chine qu'ils perçoivent comme leur ennemi, alors que les Européens ne la perçoivent que comme un rival systémique, c'est probablement un peu illusoire. D'autant que l'Europe a le sentiment qu'elle paiera pour les Etats-Unis : l'Europe devra faire plus de sacrifices et sera peut-être plus sanctionnée par la Chine que ne le seront les Etats-Unis.

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