Dispartion de Paul-Henri Nargeolet près du Titanic : "C'était sa passion qui le guidait et cette épave était devenue un peu la sienne", témoigne son ami Michel L'Hour
"C'était sa passion qui le guidait et cette épave était devenue un peu la sienne", témoigne Michel L'Hour, archéologue sous-marin et membre de l'Académie de marine, ami de Paul-Henri Nargeolet après sa disparition, sur franceinfo ce jeudi soir. Le plongeur sous-marin, grand spécialiste du Titanic, est mort à 77 ans dans l'implosion du submersible qui le menait, avec quatre autres personnes, jusqu'à l'épave du paquebot.
Comment avez vous réagi en apprenant le triste épilogue de cette expédition à laquelle participait donc Paul-Henri Nargeolet ?
Extrêmement affecté. Je fais partie des gens qui ont conservé espoir depuis le premier jour, en admettant d'ailleurs que dans les hypothèses de la disparition du submersible, il y avait la possibilité d'une implosion. Dans ce cas-là, les dés étaient jetés, mais j'avais peine à croire que cette machine relativement récente avait pu imploser. Je me disais quand-même que les ingénieurs avaient dû quand même prévoir la possibilité que cette machine plonge plus d'une dizaine de fois dans sa vie. Là, je suis absolument catastrophé par tout ça. J'ai peine à admettre l'idée que Paul-Henri Nargeolet n'est plus et je pense évidemment aussi à ces passagers qui se sont embarqués dans ce qui, sans doute, était probablement un peu un rêve pour eux, mais qui s'est terminé aussi brutalement.
Le seul élément que j'en retiens, je me dis que puisqu'on n'avait rien retrouvé depuis depuis quatre cinq jours, ils étaient condamnés à disparaître dans le noir sans pouvoir parler pour économiser, et puis finalement syncoper sans s'en rendre compte. Je pense qu'ils n'ont même pas su qu'ils allaient mourir.
C'était un spécialiste de la plongée à grande profondeur, un passionné d'archéologie maritime. Un militaire de carrière également, puisqu'il a été pilote de sous-marin. Qui était-il exactement ?
Je l'ai connu, il était officier de marine. Nos carrières se sont très régulièrement croisées. Il était devenu le patron du Nautile de l'Ifremer. Ensuite, il gérait deux sous-marins, Jules et Jim, qui étaient des machines qui descendaient à 1 000 mètres, qui étaient la propriété d'une filiale de Canal +, Aqua +. Après, il a travaillé aux États-Unis. Il était le patron des opérations Titanic. Il a travaillé avec moi en mer de Chine. On a beaucoup échangé à l'époque parce qu'il était venu avec des sous-marins sur des opérations.
La dernière mission que j'ai faite avec lui, on a travaillé sur l'épave de la Lune, en rade de Toulon. La dernière mission qu'on ait partagée n'est pas si lointaine. C'était sur l'épave du sous-marin La Minerve, perdu en 1968, où Paul-Henri m'avait appelé pour me dire qu'un de ses copains américains était prêt à mettre à notre disposition un bateau et un sous-marin pour descendre sur la Minerve avec les enfants du Pacha, de la Minerve et du chef mécanicien. Encore à cette occasion, on avait beaucoup échangé à la fois sur les techniques et surtout comment on pouvait les faire évoluer. Il avait un peu plus de 75 ans, mais en réalité, pour moi, je parlais à un jeune homme parce qu'il avait toujours le même état d'esprit quand il évoquait métier.
Il était passionné par le Titanic. C'était sa spécialité...
Le Titanic, il le connaissait absolument par cœur. Je me souviens de discussions avec lui, C'était incroyable. Il me décrivait l'épave et des opérations qu'il avait menées. J'avais l'impression d'y être. Il faut lire son livre "Dans les profondeurs du Titanic" pour comprendre comment cette épave est entrée dans sa vie. C'est assez fréquent, quand on fouille des épaves, on finit par se les approprier. Et lui, il avait vraiment un tropisme fou pour cette épave du Titanic.
Ce n'était pas seulement un pilote de sous-marin qui était descendu sur le Titanic dans le cadre de son métier, c'était beaucoup plus que ça. Il a été voir les descendants, les survivants. Il avait été voir la dernière petite fille qui avait assisté à la disparition de son père. Il me racontait ça avec beaucoup de tendresse, beaucoup d'émotion. C'était sa passion qui le guidait et cette épave était devenue un peu la sienne.
Certes, il y avait des milliardaires qui voulaient descendre et ça payait la mission, mais lui, son intérêt, c'était de constater l'état de dégradation. Parce que ce bateau finira par disparaître. Il avait encore plein de questionnements à ce sujet et c'est donc, dans cette espèce de mission qu'il s'était donnée, que malheureusement, une autre technologie, qui est un échec semble-t-il, l'a tué et a tué tous ses passagers.
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