Chute de Bachar al-Assad : qui est Mohammed al-Bachir, le nouveau chef du gouvernement de transition de la Syrie ?
Il est encore méconnu des Syriens. Mohammed al-Bachir a été nommé chef du gouvernement de transition par le "commandement général" des rebelles qui ont pris le pouvoir à Damas mardi 10 décembre, deux jours après le renversement du régime de Bachar al-Assad lors d'une offensive spectaculaire. "Nous ne resterons que jusqu'en mars 2025", a-t-il assuré mercredi au Corriere della Sera pour sa première interview à un média occidental.
Questionné par le journal italien sur son passé de jihadiste, Mohammed al-Bachir s'est voulu rassurant : "La mauvaise conduite de certains groupes islamistes a conduit de nombreuses personnes, en particulier en Occident, à associer les musulmans au terrorisme", mais son gouvernement garantira "les droits de tous les peuples et de toutes les communautés [présentes] en Syrie", promet-il.
Depuis janvier 2024, Mohammed al-Bachir était à la tête d'un "Gouvernement du salut" créé en 2017 dans l'enclave d'Idleb, dans le nord-ouest du pays. Ce gouvernement autoproclamé, qui fournit des services aux populations coupées des infrastructures étatiques, possède ses propres ministères, départements administratifs et autorités judiciaires et de sécurité. Récemment, il a commencé à s'étendre à Alep, deuxième ville de Syrie et première grande agglomération à être tombée aux mains des rebelles après leur offensive éclair.
Un dirigeant en quête de notabilité
Le nouveau Premier ministre veut désormais montrer aux yeux de son pays et de la communauté internationale une certaine respectabilité. Dans un bref extrait vidéo diffusé lundi, il est apparu pour la première fois hors du bastion rebelle, portant un costume sombre et une cravate verte, le visage encadré d'une barbe. On le voit assis aux côtés d'Abou Mohammed al-Joulani, le leader du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), vêtu de son côté d'un uniforme militaire, et de l'ex-Premier ministre de Bachar al-Assad, Mohammed al-Jalali.
Aussitôt nommé, dans une interview à la chaîne al Jazeera, cet ingénieur de formation a promis "calme et stabilité" aux Syriens, pour qui il est "temps (...) de savoir que son gouvernement est là pour lui fournir les services dont il a besoin". Au Corriere della Sera, il ajoute vouloir "ramener les millions de réfugiés syriens qui se trouvent à l'étranger". "Leur capital humain, leur expérience permettront au pays de s'épanouir", explique-t-il, affirmant que "la Syrie est désormais un pays libre qui a gagné sa fierté et son indépendance".
Né en 1983 à Jabal al-Zawiya, dans la province d'Idleb, Mohammed al-Bachir a vu sa région devenir le dernier bastion de l'opposition armée après des années de guerre civile. Avant de se voir confier un rôle national à la faveur de la prise du pouvoir par le HTS et des factions alliées, il était surtout connu des habitants de sa région natale d'Idleb. Il a été choisi "pour sa méthode de gestion très consensuelle", analyse le politologue Hasni Abidi, spécialiste du Moyen-Orient, dans Le Parisien. Selon lui, Mohammed al-Bachir "ne fera pas d'ombre" à Abou Mouhammed al-Joulani, l'homme fort du moment.
"Efficace dans des conditions difficiles"
Formé à l'université d'Alep, Mohammad al-Bachir a d'abord fait des études d'ingénieur électrique et électronique tout en apprenant le droit civil et islamique à l'université d'Idleb, selon son CV mis en ligne par le "Gouvernement du salut". "Il n'est pas militaire de carrière", ce qui montre une volonté du groupe HTC de "promouvoir la dimension civile et administrative de sa gouvernance", estime Hasni Abidi.
Avant de diriger le "Gouvernement du salut", il a notamment travaillé pour la compagnie nationale syrienne de gaz avant de s'engager dans l'administration rebelle à Idleb, où il a occupé le poste de ministre du Développement. Mohammed al-Bachir a été un ministre "efficace dans des conditions très difficiles : son élection à la tête du gouvernement d'Idlib est venue à un moment où la région était confrontée à des défis majeurs, notamment la pression internationale, le manque de ressources et les divisions internes entre les factions", rappelle Hasna Abidi.
Une expérience qu'il pourra mettre à profit pour sa nomination à la tête du gouvernement de transition. "Les défis qu'il doit relever sont vraiment immenses", explique Radwan Ziadeh, spécialiste de la Syrie auprès du Centre arabe de Washington, à l'AFP. "Tout comme la révolution était une révolution pour tous les Syriens, le processus de transition doit être l'affaire de tous les Syriens afin de garantir son succès et assurer une transition pacifique vers la démocratie."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.