: Reportage "Ils avaient tout ici alors que le peuple n’arrive pas à s'acheter du pain" : les rebelles syriens au cœur du palais présidentiel de Bachar al-Assad
Difficile d’imaginer que le lieu était sans doute le plus sécurisé de Syrie il y a encore trois jours. 48 heures après la chute de Bachar al-Assad, les Syriens découvrent les symboles déchus du régime. Sur les hauteurs de la capitale, le palais présidentiel a d'abord été pris d’assaut par des civils, avant d’être évacué par les forces rebelles. Les lieux sont désormais tenus par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a mené la rébellion.
Sur cette immense esplanade, nous sommes la seule voiture a nous garer devant l'édifice monumental dressé sur plusieurs hectares. Un combattant déambule à l'intérieur, son fusil semi-automatique en bandoulière. Il commente : "Ce n'était pas vraiment l'endroit où vivait Bachar al-Assad, mais c'était là qu'il organisait ses réceptions et recevait ses ministres, explique-t-il. C’est très joli ici."
"Un trésor qui appartient à ce peuple opprimé"
Devant lui, un sol en marbre, un dôme d’or, une décoration opulente et démesurée. Les pièces sont labyrinthiques, il faudrait des heures pour arriver à faire le tour de ce palais. Dans une remise, la porcelaine a été pillée par des visiteurs. Abu Ahmad entre pour la première fois de sa vie à Damas. Originaire du nord de la Syrie, il se définit comme un combattant du jihad.
Son foulard autour de la tête, il découvre lui aussi le palais : "Nous nous rendons compte de l'énormité de ce bâtiment, que nous, Syriens, ne connaissions pas vraiment. C'est une véritable merveille. C’est l'un des trésors qui appartient à ce peuple opprimé. Quand ils verront ça, les gens iront dans les rues en criant que nous sommes les seuls à nous soucier de leurs moyens de subsistance. Ils verront que le régime a tout pris, alors que c'était dû au peuple."
Le palais, symbole de la différence entre le régime et le peuple
Un seul civil a pu se faufiler au premier étage, et éviter le blocage imposé par le groupe HTS. Hamza passe une série de couloirs et une succession de bureaux donnant l’air de n'avoir jamais été utilisés.
Il en rejoint un plus grand que les autres, dans lequel un grand meuble en marqueterie trône devant une bibliothèque : "C’est le bureau de Bachar al-Assad. Il a une vue sur tout Damas. Ça faisait 40 ans qu’on voyait ce palais sans pouvoir y entrer. Ce qui est fou, c'est qu'ils avaient tout ici, alors que les Syriens n’arrivent même pas à s'acheter du pain."
Le lieu est aujourd’hui un symbole du pouvoir disparu en un instant, coquille vide d’un régime désormais révolu. Le chef islamiste des rebelles en Syrie, Abou Mohammad al-Joulani, a ainsi lancé les discussions sur le transfert du pouvoir, tandis que le président Assad a fui le pays avec sa famille pour Moscou, selon les agences russes.
Les rebelles vont, par ailleurs, publier une liste "des plus hauts responsables impliqués dans des tortures contre le peuple". "Nous allons annoncer une liste numéro un qui comprend les noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures contre le peuple syrien", a écrit sur Telegram le commandant des rebelles. "Nous poursuivrons les criminels de guerre et demanderons qu'ils soient remis par les pays où ils se sont enfuis afin qu'ils puissent recevoir leur juste châtiment", a-t-il affirmé, alors que des médias libanais indiquent que plusieurs anciens dignitaires du gouvernement Assad se sont réfugiés à Beyrouth sous la protection du mouvement chiite Hezbollah, allié de l'ancien pouvoir.
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