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Forces et pays en présence: qui fait quoi dans la guerre en Syrie?

Difficile parfois de suivre et de comprendre les interactions entre les différentes forces en présence sur le terrain syrien. Qui veut quoi ? Qui fait quoi ? Quels sont les intérêts des uns et des autres ? Tour d'horizon, pays par pays, des forces en présence, sur le sol ou dans les antichambres diplomatiques, liées au conflit syrien.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, lors d'une réunion sur la Syrie, à Zurich en Suisse, le 20 janvier 2016. (Reuters/ Jacquelyn Martin)

Bruits de bottes et pourparlers. Rien de simple dans le conflit syrien. A l'heure où s'ouvraient les négociations de Genève, sur la base d'une résolution de l'ONU adoptée par toutes les grandes puissances, le régime syrien menait une offensive victorieuse sur plusieurs bastions de l'opposition avec le soutien russe. De quoi brouiller définitivement les cartes ou simplement marquer des points avant le début réel des négociations ? 

La Syrie
Près de 5 ans après les premières manifestations pacifiques du Printemps arabe, le président Bachar al-Assad est encore là. Les appels au changement ont été réprimés dans le sang en Syrie. La guerre s’est installée progressivement ouvrant la voie à l’avancée de l’organisation Etat islamique, née de la situation en Irak. Mais pour le président syrien, tous les rebelles sont terroristes et doivent être vaincus. Affaibli après de multiples revers, Bachar al-Assad mise aujourd’hui sur le soutien militaire de ses alliés, notamment la Russie, pour reconquérir les territoires perdus quitte à mener de «longs» combats face à une opposition morcelée et de plus en plus dominée par les islamistes.


Les Etats-Unis
Les Etats-Unis forment l’ossature de la coalition montée en 2014 pour combattre Daech en Irak. Dès septembre de la même année, les forces américaines étendent leurs opérations aériennes en Syrie. 
 
Souvent accusé de faiblesses, Barak Obama a cependant été le premier à choisir de combattre en Syrie contre Daech, une fois ses hésitations sur la ligne rouge dépassées (en août 2013, il a renoncé à bombarder le régime syrien qui aurait utilisé des armes chimiques). Le président américain a alors semblé choisir ses priorités dans la guerre syrienne : s’occuper d'abord des djihadistes et ensuite de la question de Bachar al-Assad. Le président américain s’appuie même sur les Kurdes syriens, proches du PKK, pour lutter contre les islamistes. Quitte à fâcher son allié de toujours, la Turquie, pourtant membre de l’Otan et les proches des Saoudiens.

Le coordinateur de l'opposition syrienne formée en Arabie Saoudite, Riad Hijab, a d'ailleurs déploré un «recul très net» des Etats-Unis dans le dossier syrien et a estimé que l'«Histoire ne pardonnera(it) pas» au président américain.

Les différentes forces en présence sur le sol syrien (février 2016). (AFP)
La France
Paris s’engage dès le début dans la coalition menée par les Américains. En revanche, Paris ne suit pas Washington dans le ciel syrien en 2014. Pour Paris, pas question, alors, de donner l'impression que la France puisse collaborer avec le régime de Damas.

Ce n’est qu’en septembre 2015 que la France décide de frapper les forces islamistes en Syrie, loin de sa position d’août 2013, quand elle avait failli se retrouver seule à bombarder Bachar al-Assad.

Sur la question de l’avenir de la Syrie, Paris reste le pays le plus engagé pour demander un départ de Bachar al-Assad. La France a même été le pays qui a le plus soutenu la composition de la délégation de l’opposition syrienne, formée en Arabie Saoudite, pour les discussions de Genève. D’ailleurs, lors de son départ, Laurent Fabius qui a quitté la tête de la diplomatie française, avait dénoncé «les ambiguités» américaines. 
 
La Russie
Accès aux mers chaudes, réaffirmation de son rôle de grande puissance internationale, lutte contre le djihadisme, soutien à un allié de toujours… Les raisons expliquant l’intervention militaire massive de la Russie (qui au temps de l'URSS était très impliquée dans la région) dans le soutien au régime syrien sont nombreuses.

La position russe a le mérite de la clarté avec un seul objectif : défaire les oppositions au régime syrien. Officiellement, Moscou a pour cible Daech, mais visiblement sur le terrain Moscou s’attaque à toutes les forces qui mettent en danger le régime d’Assad. Dans un récent document sur «la stratégie russe de sécurité nationale pour 2016», Vladimir Poutine pointait comme menace importante «l’activité des groupes sociaux radicaux qui ont recours à une idéologie extrémiste nationaliste et religieuse, ainsi que des organisations non-gouvernementales étrangères et internationales ». De nombreux combattants venus de Russie se trouveraient dans les rangs des différents groupes islamistes présents en Syrie.

Des pilotes russes et leur avion SU-34 sur la base aérienne Hmeimim dans le nord-ouest de la Syrie. (AFP/ Dimitri Vinogradov / Ria Novosti)

 
Les Kurdes
Seront-ils les grands gagnants du conflit ? Ou les perdants, une fois de plus ? Pour l’instant, les Kurdes sont politiquement relativement divisés. D’un côté les Kurdes irakiens bénéficient d’un large statut d’autonomie dans le cadre de l’Etat irakien. Ils forment un quasi-Etat qui bénéficie de la rente pétrolière et empêche, avec l’aide de la coalition, la progression de Daech, sans s'opposer aux Turcs. 
 
Côté Kurdes syriens, la situation est plus complexe. Coincés entre Daech et la Turquie, qui juge les Kurdes du PYD proches du PKK à qui Ankara mène la guerre, les Kurdes ont dû compter sur l’aide des Américains et la neutralité du régime syrien pour étendre leur zone le long de la frontière turque.

Aujourd’hui, ils combattent dans la région d’Alep pour aider à l’isolement des opposants en tentant de couper leurs routes vers la Turquie. Ankara a d’ailleurs vivement réagi en bombardant les zones kurdes syriennes… A la conférence de Genève, les Kurdes, qui ont élargi leur poids politique en s’alliant avec des groupes arabes ou chrétiens, n’ont cependant pas obtenu de place autour de la table, malgré le soutien russe. Dans le cadre d'un règlement global de la crise syrienne, la question kurde n'est pas (encore) abordée.

L' Arabie Saoudite 
Puissance sunnite régionale, le royaume wahhabite est depuis le début du conflit en Syrie, le principal soutien de la rébellion sunnite contre le régime de Bachar al-Assad (alaouite-chiite) dont il réclame le départ. Ryad a même été accusée de financer de manière indirecte des groupes terroristes sunnites.

Mais depuis l’établissement d’un «Etat islamique», l’Arabie Saoudite se bat officiellement contre le groupe islamiste sunnite Daech et fait partie de la coalition internationale menée par Washington. Ryad fournit une base pour former les rebelles syriens, leur livre des armes et envisage désormais l’envoi de troupes au sol en Syrie.

 

Le roi Salman ben Abdel Aziz et un membre de l'opposition syrienne, lors d'une réunion des mouvements de l'opposition et des groupes rebelles à Riyad, le 10 décembre 2015. (AFP/ SPA)



L'Iran
La République islamique chiite est le principal allié régional de Bachar al-Assad (alaouite-chiite) et qualifie de «terroristes» tous les groupes armés opposés au régime. Téhéran soutient politiquement, financièrement et militairement Damas.

Officiellement, il n y a pas de soldats iraniens en Syrie mais des «conseillers» militaires qui commandent près de 20.000 combattants chiites venant du Liban (Hezbollah) ou d’Irak pour soutenir les soldats loyalistes. Téhéran a néanmoins annoncé la mort de généraux iraniens en Syrie et en Irak lors d’une «mission contre Daech». L’Iran ne participe pas à la coalition internationale contre le groupe sunnite Etat islamique.

La Turquie 
Ce pays sunnite frontalier avec la Syrie appelle depuis le début du conflit au départ du «dictateur» Bachar al-Assad. Il est ainsi l’un des principaux partisans de l’opposition syrienne et livre des armes aux rebelles. Ankara a été accusée de jouer un jeu trouble en ménageant pendant longtemps Daech qui combat les Kurdes syriens du PYD, proches du PKK son ennemi numéro un depuis 1984.

Mais aujourd’hui, la Turquie fait officiellement partie de la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique. Elle se dit prête à intervenir sur le terrain en Syrie et participe déjà aux frappes. Ses cibles préférées? Les forces kurdes du PKK. Ankara veut éviter l’installation d’une zone autonome kurde à ses frontières et bombarde les forces du PYD en Syrie, réclamant même une «zone de sécurité» de 10 km de profondeur en territoire syrien, en y incluant cette fois la ville d'Azaz, qu'elle bombarde depuis plusieurs jours.

En espérant avoir résumé, de façon plus claire que le graphique ci-dessous, la complexité syrienne et  régionale.


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