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L'armée syrienne en proie au doute

L'armée de Bachar al-Assad est tenue en échec par les rebelles. Sans les chars et l'aviation, les forces fidèles au président syrien ne pourraient guère lutter contre les opposants. Forces loyalistes qui doivent faire face à de multiples désertions.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un soldat gouvernemental lors d'un affrontement avec les rebelles dans les faubourgs dAlep, le 11 octobre 2012. (AFP/STR)

L’armée syrienne, évaluée à quelque 400.000 hommes au début du conflit en mars 2011, semble désormais incapable de prendre l’ascendant sur les forces de l’Armée syrienne libre qui lui sont opposées. Cette colonne vertébrale du régime ne compte plus que sur la superstucture alouite, la grande majorité des officiers, pour rester debout. La montée constante des désertions, la mène peu à peu à l’impuissance sur la plus grande partie du territoire syrien.

Selon l’observatoire syrien des droits de l’homme, des dizaines de milliers de soldats ont pris la fuite depuis le déclenchement de la révolte. Cette hémorragie atteint le moral de l’institution dans son ensemble. Désormais, les forces armées ne procèdent plus que par bombardements sans se risquer à des engagements sur le terrain contre les rebelles.

Alors que le conflit interne à la Syrie prend de plus en plus une tournure confessionnelle, la cohésion apparente cache une situation des plus contrastée. Les officiers alaouites soutiennent le régime de Bachar al-Assad, tandis que le gros de la troupe, composée d'une grande majorité de sunnites, penche de plus en plus en faveur des insurgés au fil du temps. Quant à la minorité sunnite de la hiérarchie, elle hésite encore à lâcher le pouvoir en raison de la peur du chaos et d’une possible vengeance, si les rebelles sont vainqueurs.

Les scènes où des civils arrêtés sont rapidement fusillés ont accentué le sentiment anti-Bachar des hommes de troupe, voire les poussent à déserter.

Des généraux syriens désertent

Euronews, diffusée le 25 juin 2012

Le clan Assad, qui tient le pays, ne peut plus compter avec confiance que sur la 4e division de Maher al-Assad, frère de Bachar, et les services secrets de l’armée et de l’aviation, selon les observateurs. L’information diffusée par le pouvoir sur le conflit reprend toujours le même thème de base : les attaques sont dues à des terroristes financés par l’étranger. Mais les soldats ne sont pas dupes. 

La difficulté à laquelle se heurtent les militaires est de trouver le bon timing pour s’enfuir, tout en cachant leurs intentions, car il peut y avoir des mouchards dans leur voisinage immédiat. Coupés du monde, ils doivent agir avec détermination. Les astuces sont multiples : faux papiers, blessure volontaire, etc. 

«Dans les casernes, le soir, les officiers alaouites, n’ayant pas confiance dans les soldats sunnites, s’enferment dans leur chambre», indique un déserteur.

Le mouvement de désertion pourrait s’amplifier d’une manière exponentielle si les soldats du rang ne craignaient pas des représailles contre leurs familles et notamment contre les femmes, au cas ils disparaîtraient dans la nature. Certains estiment qu’en quelques jours, le régime serait ainsi à genoux.

De fait, une importante partie d’entre eux rejoint les rangs de l’Armée de libération syrienne, qui revendique quelques 40.000 hommes. Elle se compose de déserteurs de l’armée régulière, de citoyens en armes et de djihadistes, dont ceux du Front al-Nosra, un groupe lié à al-Qaida qui a revendiqué l'attentat contre les services de renseignements de l'armée de l'air, à Damas, le 9 octobre 2012.

L’écueil auquel sont confrontés les révoltés, c’est bien sûr l’armement. Dans ce domaine, la situation est confuse et débouche sur des querelles entre les différents groupes. La Turquie a créé une salle des opérations pour superviser le flot des armes, mais le résultat n’est guère probant. Les armes des rebelles – des armes légères et quelques lance-roquettes antichars et anti-aériens – sont achetées au marché noir grâce à l‘argent livré par des émissaire de pays qui les soutiennent. Mais chaque pays ne soutien que son clan. Le Qatar aide les volontaires liés aux Frères Musulmans et l’Arabie Saoudite les militants salafistes.

Les déserteurs ne peuvent pas compter sur ces appuis. La circulation d’argent est à l’origine de rivalités et les groupes sont émiettés. L’armée de Bachar al-Assad profite de cette désunion et de l’absence de commandement central dans l’Armée de libération syrienne qui n'est pas en mesure de mener des opérations correctement planifiées.

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