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Le cas épineux des cinq enfants australiens seuls chez Daech

L'Australie découvre la situation critique dans laquelle se retrouvent cinq de ses ressortissants, esseulés au cœur de l'Etat islamique. Cinq enfants de 14 à 5 ans et un nourrisson, perdus au milieu de ville de Raqqa en Syrie, fief de Daech, car orphelins. La grand-mère des enfants donne l'alerte, mais les autorités australiennes ne semblent pas très pressées de les récupérer.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Khaled Sharrouf et trois de ses enfants. (twitter)

On se souvient de cette photo, apparue à l'été 2014, montrant un enfant occidental posant avec la tête d'un homme décapité dans les mains. Après quelques recherches, l'enfant avait été identifié comme étant un petit Australien de 7 ans, emmené par ses parents, avec ses quatre frères et sœurs, au cœur de l'Etat islamique. Petit à petit, l'histoire de cette famille se précise et soulève nombre de questions autant morales qu'éthiques .

En 2013, Khaled Sharrouf, père de famille australien de 33 ans, quitte son pays en compagnie de son ami, Mohammed Elomar, ancien boxeur australien du même âge. Tous les deux partent combattre en Irak et en Syrie.

De 2005 à 2009, Khaled Sharrouf avait effectué quatre années de prison pour complot terroriste contre l'Australie. C'est au cours de cette période carcérale qu'Olav Nielssen, un éminent psychiatre australien, l'avait reçu. Il décèle à cette époque que le patient avait déjà souffert de dépression, d'épisodes de schizophrénie aiguë, de paranoïa et d'hallucinations pendant plusieurs années. Malgré un pronostic alarmant, il n'y aura pas de tentative de soins avant 2008, un an avant sa sortie. Même si l'homme se vante d'avoir induit le(s) psychiatre(s) en erreur, la suite des événements tend à accréditer le diagnostique du praticien.

Un an après l'arrivée de Khaled Sharrouf en Syrie, sa femme, Tara Nettleton, part l'y rejoindre avec leurs cinq enfants.

C'est au cours de l'été 2014, que le père de famille twitte avec fierté la photo de son fils de 7 ans (ci-dessous) accompagnée d'un «That's my boy» («ça c'est mon fils»)!
Août 2014, Raqqa (Syrie). Fils de Khaled Sharrouf, 7 ans, arborant la tête d'un soldat syrien. (twitter)
Les deux amis, Sharrouf et Elomar, ont été donnés pour morts en juin 2015. Mais comme seul le corps de Mohammed Elomar a été photographié, un doute subsiste sur le décès réel de Khaled Sharrouf. En septembre 2015, ce serait la mère de famille qui serait décédée suite à une appendicite. Et pour finir, il s'avère que l'aînée des cinq enfants, Zaynab, a été mariée en 2014, à Mohammed Elomar, dont elle vient d'avoir un bébé en décembre 2015, à 14 ans.

C'est la grand-mère maternelle, en contact avec les enfants, qui tire le signal d'alarme et demande aux autorités australiennes de les exfiltrer ainsi que le nourrisson, pour les ramener en Australie.

Une Australie crispée  
A l'instar de la France qui a fermé son ambassade en Syrie depuis 2012, beaucoup de pays n'ont plus de représentation dans les zones contrôlées par Daech, que ce soit en Syrie ou en Irak. Par conséquent, ils n'ont aucun moyen de porter la moindre assistance consulaire à leurs ressortissants qui se trouvent sur place. Mais, même en supposant que des adultes les aident, si les enfants arrivaient à sortir tout seuls du pays, les Australiens se montrent réticents à les ramener dans leur pays natal.

Ils se demandent dans quel état psychique se trouve un enfant ayant posé, à 7 ans, en tenant dans ses mains une tête humaine coupée? Comment gérer une toute jeune fille de 14 ans qui a prouvé, au travers de ses photos postées sur les réseaux sociaux, une extrême radicalisation, un endoctrinement total? Que prédire d'un enfant de 4 ans qui a perdu père et mère et qui se trouve au milieu du chaos?

Les Australiens, qui les imaginent fous ou résignés, forcément irrécupérables, voire aussi dangereux que leur père, redoutent de rapatrier des individus en trop grande détresse psychique pour être réinserrables.

Selon une pédopsychiatre interrogée par Géopolis, n'ayant pas souhaité être citée, «en essayant de ne pas regarder ces enfants à travers une grille de lecture occidentale destinée à des enfants occidentaux vivant en terre occidentale, on ne peut absolument pas dire ce qu'il vont advenir».

Force est de constater que des jeunes filles de 13 ans ou 14 ans devenant mères de famille sont monnaie courante dans beaucoup de pays. Dans le même temps, des centraines de milliers d'enfants se retrouvent bien malgré eux au milieu de pays en guerre. Le passé nous a montré qu'Ils ne deviennent pas tous des tueurs. Quant aux plus jeunes de la fratrie, finalement, ils n'auront pratiquement rien connu d'autre. La perte de leurs parents risque de plus les perturber qu'un hypothétique paradis perdu symbolisé par l'Australie.

Existe-t-il réellement un choix à faire entre le très grand danger qui les guette à très court terme ou éviter de rapatrier d'éventuelles bombes à retardement à moyen terme ? Pour Karen Nettleton, la grand-mère maternelle des enfants, la question ne se pose pas: il faut les ramener...


  

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