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Martine Laroche-Joubert : «Les Kurdes de Syrie, sont seuls à se battre au sol»

De retour de Syrie où elle a enquêté sur les moyens déployés par l’organisation de l’Etat Islamique (EI) pour remplir les caisses du califat, Martine Laroche Joubert, grand-reporter à France 2, fait le point sur la ligne de front entre les combattants kurdes et ceux de Daech aux limites de l’Etat turc.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Dans la province de Sanliufa, des soldats turcs empêchent des Kurdes de traverser la frontière syrienne pour contrer la nouvelle offensive de Daech contre Kobané, le 25 juin 2015. (Halil Fidan/Anadolu Agency)

Où en sont les combattants kurdes face à ceux de l’organisation de l’Etat islamique?
Les Kurdes de Syrie du YPG la branche armée du Parti de l'Union Démocratique (PYD) sont seuls à se battre sur le terrain contre l’Etat islamique. Bien sûr, ils sont appuyés par les raids aériens de la coalition, mais ils sont très mal armés face aux combattants de l’EI qui bénéficient d’un armement lourd très important récupéré sur l’armée irakienne.
 
Hommes et femmes se battent avec un courage insensé. Ils ne sont pas du tout aidés par la Turquie qui ne voient en eux que des alliés du PKK, le parti des Kurdes de Turquie, classé mouvement terroriste par l’Union Européenne.
 
Au sol, ils ne sont pas assez nombreux, même après la prise de Tall Abiyad, pour tenir 400 kilomètres de fontières.
 
Le front ne peut donc être stabilisé dans une guerre aussi asymétrique. Les frappes de la coalition ont beaucoup servi d’octobre à janvier 2015, notamment à Kobané parce que toute la partie Est avait été désertée. Les frappes continuent contre les routes, par exemple, mais elles restent difficiles contre les villes par crainte de dégâts collatéraux.
 
Comment se passent les choses entre Kurdes irakiens et syriens?
Les combattants kurdes syriens sont rudes, ils sont bien meilleurs que les Kurdes irakiens qu’on appelle les Peshmergas. Ca se voit physiquement même, les Peshmergas sont plus enveloppés, moins combattifs.
 
On pourrait penser qu’il y a une solidarité entre eux, mais on ne la voit pas sur le terrain. Il est plus difficile d’entrer chez les Kurdes d’Irak que chez ceux de Syrie. Ceux d’Irak sont venus, à la demande du président turc Recep Tayyip Erdogan, prêter main forte à ceux de Syrie pour la prise de Kobané. Ils n’étaient que 150 combattants et à l’heure qu’il est, ils sont probablement déjà repartis. J’ai vu également des Kurdes irakiens et quelques Kurdes iraniens du côté de Tall Abiyad, mais très peu.

Y a-t-il toujours chez eux le désir d’un Etat indépendant?
Bien sûr. Pour le moment, l’objectif des Kurdes de Syrie est de relier les trois cantons du nord, frontaliers de la Turquie. Pour Djézireh et Tall Abiyad, c’est déjà fait. Il reste à conquérir Afrine, le troisième qui se trouve plus à l’ouest.
 
Ils ont déjà une sorte de gouvernement autonome avec des ministres hommes et femmes à parité. Une sorte d’embryon étatique qui fonctionne, mais avec très peu de moyens. On peut dire qu’ils sont surtout dans un état de dénuement, si l’on compare la situation avec celle de la ville d’Erbil, la capitale du Kurdistan autonome irakien, où l’on trouve des gratte-ciels et des richesses.
 
Tous les Kurdes syriens, irakiens ou iraniens rêvent d’un Etat indépendant, mais ils doivent surmonter leurs divisions qui sont encore assez nombreuses. On trouve même quelques Kurdes – mais peu – auprès de Turcs et de Syriens, impliqués dans des trafics fructueux pour l’organisation de l’Etat islamique. Ils sont attirés par le gain à se faire avec des barils de pétrole achetés à 25 ou 30 euros et revendus à 60. Ca fait beaucoup d’argent !

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